vendredi 5 juin 2009

À Strasbourg, l'hommage à Pierre PFLIMLIN

Comme il l'avait fait la veille à la Mutualité, François Bayrou a rendu hommage à Pierre Pflimlin lors du dernier meeting de campagne du Mouvement démocrate, jeudi soir à Strasbourg.

Avant-dernier Président du Conseil de la IVème République (14 mai 1958) juste avant Charles De Gaulle, Pierre Pflimlin fût aussi maire de Strasbourg (de 1959 à 1983) et président du Parlement européen (de 1984 à 1987).

François Bayrou évoquera en particulier le discours de Pierre Pflimlin au Congrès de Bordeaux en 1999, lorsque l'Union pour la Démocratie Française décidait pour la première fois de présenter une liste autonome aux élections européennes. À 92 ans, Pierre Pflimlin y évoquait Les trois Miracles de l'Europe, discours reproduit ci-dessous.

François Bayrou n'a pas manqué de rappeler que les candidats du Mouvement démocrate étaient les seuls à avoir défendu, avec constance et acharnement, le siège du Parlement européen à Strasbourg, symbole de la volonté des peuples, pour que Strasbourg retrouve sa place de capitale parlementaire de l'Europe – minutes 15:00 à 23:00 sur la vidéo.



Les autres discours de Schiltigheim :
Jean-François KAHN
Nathalie GRIESBECK
Yann WEHRLING
Corinne LEPAGE


Discours de Pierre Pflimlin
à Bordeaux, le 7 février 1999

LES TROIS MIRACLES DE L'EUROPE

J'ai, personnellement, tendance à croire aux miracles. J'en ai vécu dans ma carrière. Je me rappelle les années de l'immédiat après guerre où nous étions tous sous l'impression de la tragédie que nous venions de vivre, et j'avoue que j'étais, en ce qui me concerne, pessimiste. Je me disais : "tant de choses horribles se sont passées, qu'il faudra laisser passer des années, peut-être des générations, avant que l'on puisse parler de réconciliation, voire même d'amitié". Et voilà qu'un miracle s'est produit. Souvenez-vous : trois ans seulement après la fin de la guerre, en 1948, le congrès de La Haye [fin du billet] : présidé par qui ? Par le grand chef de guerre qu'avait été Winston Churchill. Les hommes et les femmes qui étaient réunis là ont invité les gouvernements à créer une assemblée européenne. Très franchement, je me disais à ce moment-là "ils vont fort" ! Comment pourra-t-on obtenir, trois ans après la fin de la guerre, que les gouvernements entreprennent une construction européenne ? Or cela s'est produit : 1948 congrès de La Haye [fin du billet], 1949 à Londres signature du traité créant le Conseil de l'Europe avec en ce qui concerne le siège, une décision excellente : le choix de Strasbourg...

Dans ce Conseil de l'Europe apparurent très vite des débats entre ceux qui étaient partisans d'une fédération - c'était essentiellement à l'époque les Français, les Italiens, les Belges - et ceux qui voulaient seulement une coopération entre les gouvernements gardant l'intégralité de leurs pouvoirs. C'était en 1949.

Et en 1950, que se passe-t-il ? En 1950 Robert Schuman, le Lorrain Robert Schuman, Ministre des Affaires Etrangères de France, propose la création d'une première Communauté, celle du charbon et de l'acier. Cette notion de communauté était entièrement nouvelle. A travers les siècles, quand une guerre était terminée, on signait des traités que l'on appelait des "traités de paix", mais qui n'ont jamais mérité ce nom, car ces traités imposaient aux vaincus des cessions territoriales, des indemnités, des humiliations, et de ces humiliations naissait une volonté de revanche. En 1950, l'idée de Robert Schuman est radicalement différente : il tend la main aux ennemis de la veille, il leur propose d'entrer comme partenaire égal dans une Communauté où tous, ensemble, se dotent d'instances communes avec des pouvoirs de décision. Robert Schuman, que j'ai bien connu, n'avait pas l'habitude d'élever la voix. C'était un homme modeste. Or dans son livre "Pour l'Europe", publié après sa mort, il dit "L'idée européenne est une idée révolutionnaire". C'était en effet une idée révolutionnaire. Vous connaissez la suite.

Autre miracle : si au printemps de 1989 quelqu'un m'avait posé la question suivante : "Combien de temps verrons-nous encore une grande partie de l'Europe sous la domination soviétique ?", j'aurais répondu, en ce printemps 1989 : "Moi, vu mon âge, je n'en verrai pas la fin". C'eut été une erreur, puisque quelques mois après, à l'automne de 1989, l'empire soviétique a commencé à se disloquer ; il y a eu ce phénomène extraordinaire : des peuples sont descendus dans la rue, les Polonais, les Tchèques, les Allemands de l'Est, et ont conquis à l'arraché la démocratie.. Et qu'on ne me dise pas : "ces gens-là qui vivaient mal voulaient surtout une augmentation de leur niveau de vie". Non, je crois que ce qu'ils voulaient, c'était la liberté, c'était la démocratie.

Je serais porté à dire que j'ai vécu aujourd'hui un troisième miracle. Grâce à François Bayrou, la décision a été prise de présenter une liste UDF aux élections européennes. Ce qui me paraît fondamental, c'est que nous allons entrer dans la bataille des Européennes en nous battant pour notre conception de l'Europe. Il existe différentes façons de concevoir l'Europe. Je ne crois pas me tromper en disant que nous, nous restons fidèles à la conception de Robert Schuman, qu'il partageait avec le chancelier Adenauer et à cette conception de l'Europe communautaire - on peut dire fédéraliste si l'on veut. Moi je préfère le mot communautaire. Pourquoi ? Parce que le mot communautaire a une signification éthique, il signifie que des peuples différents qui s'étaient combattus la veille veulent ensemble construire une communauté de valeurs et une communauté d'institutions. C'est merveilleux. Et nous sommes restés fidèles à cette conception.

Je me réjouis de vivre avec vous aujourd'hui le troisième miracle pour l'Europe.

Pierre PFLIMLIN
Congrès de Bordeaux
7 février 1999

Nota Bene : Pour illustrer les étapes historiques de la construction européenne qu'évoque Pierre Pflimlin dans son discours, voir mes précédents billets :
- Le Congrès de La Haye en mai 1948 [voir la fin du billet]
- Fondation du Conseil de l'Europe - Londres, mai 1949
- Déclaration de Robert Schuman à Londres en mai 1949
- Discours de Robert Schuman - Création de la CECA, 9 mai 1950 [voir la vidéo en fin de billet]


Pierre PFLIMLIN et François MITTERRAND
à Strasbourg – source : Dernères Nouvelles d'Alsace

6 commentaires:

  1. Pascale Schwincksamedi, 06 juin, 2009

    Merci pour ce joli billet, très utile aussi. Je n'ai pas pu y aller, grace à toi c'est réparé

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  2. Ignorant ex-bordelais que je suis, inculte en histoire politique contemporaine, je ne connaissais même pas Pierre Pflimlin.

    Merci à Bayrou pour cette belle histoire, qui illustre si bien ce qu’est la combativité, la fierté et le courage politique.

    Ce vieil homme trébuchant, vacillant, qui dès lors qu’il a pu harponner le pupitre en retire des forces mystérieuses pour renaître et bruler une dernière fois afin de clamer sa fierté et sa joie profonde, véritable, d’être démocrate. Cela m’a beaucoup touché sur le coup, et ça la refait, pareil, au visionnage de la vidéo que tu présentes ici.

    Ces histoires d'Hommes sont des exemples à suivre!

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  3. @ Pascale :
    Service !
    :)
    @ Philippe :
    L'affirmation du pédigrée européen du MoDem était une figure obligée de cette campagne. Il y une filiation à défendre, bec et ongle, face à l'esbrouffe de l'UMP et du NC.
    L'évocation des figures historiques, Robert Schuman au meeting de Metz, Pierre Pflimlin à la Mutualité et à Schilitigheim, resteront assurément des moments forts de cette campagne.

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  4. Les candidats du Grand-Est à Schilitigheimdimanche, 07 juin, 2009

    Voir aussi les autres discours de Schiltigheim :

    Jean-François KAHN
    Nathalie GRIESBECK
    Yann WEHRLING
    Corinne LEPAGE

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  5. Schiltigheim (Bas-Rhin), envoyé spécial

    A Strasbourg, les enfants viennent régulièrement empoisonner les campagnes de François Bayrou. En 2002, lors de la campagne présidentielle, un garnement avait tenté de faire les poches du candidat dans la capitale alsacienne. Une gifle avait cueilli à froid le chapardeur, devant les caméras de télévision. Plusieurs jours, l'équipe de campagne s'était inquiétée des conséquences de cette taloche infligée à plus petit que soi. Le sondage suivant les avait rassurés : François Bayrou avait gagné en sympathie.

    Jeudi 4 juin, il fut encore question de traitement de l'enfance. Dans la soirée, le président du MoDem participait à son dernier rassemblement avant les élections européennes, dans la ville qui accueille le parlement de l'Union. A la même heure, passait sur France 2 l'émission préenregistrée où François Bayrou et Daniel Cohn-Bendit s'envoyaient à pleine face des mornifles verbales. Les allusions à peine voilées d'incitation à la pédophilie, lancées par le centriste contre l'ancien soixante-huitard, n'étaient-elles pas allées trop loin, s'interrogeaient les responsables du MoDem ? Boosteraient-elles au contraire la fin de campagne ?

    "VOLONTÉ"

    Avant d'entrer dans la salle des fêtes de Schiltigheim où l'attendaient un petit millier de sympathisants, François Bayrou s'est refusé devant la presse à retirer un mot de ce qu'il avait dit sur le plateau. "Daniel Cohn-Bendit a écrit un livre [Le Grand Bazar] pour revendiquer et théoriser des pratiques qui sont pour moi insupportables.Il est normal qu'il l'assume. Il y a un débat de société sur ces affaires et ces pratiques. L'enfance mérite d'être défendue contre des théories de ce genre."

    L'homme invoquait la légitime défense, la réplique outragée, s'étant senti insulté par les attaques répétées du chef de file d'Europe Ecologie. Mais le patron du MoDem s'était plongé dans le livre de son adversaire, un pensum remontant à 1975, quelques jours avant le débat. La sortie n'était peut-être pas si fortuite. Comme en 2002, François Bayrou se défendait avec une baffe d'un importun qui tentait à sa manière de lui faire les poches, en lui volant à la tire des électeurs.

    Dans la salle, Yann Wehrling, transfuge des Verts, a poursuivi la besogne, critiquant à mots à peine couverts ses anciens amis. Devant son public, François Bayrou s'en est tenu à un discours sans polémique, au cœur de cette Alsace à tradition férocement centriste où il avait obtenu 21,40% des voix lors de l'élection présidentielle de 2007.

    L'Europe !, l'Europe !, l'Europe !. Il ne fut question que d'elle. Un hymne à la joie, une ode à cette Union si belle quand elle est "volonté". Pas même une pique contre Nicolas Sarkozy, dont le nom n'a pas été cité en vingt-six minutes de discours.

    Jean-François Kahn, tête de liste de la région Grand Est, a clôturé la réunion en présentant les propositions économiques du MoDem. Une heure de leçon magistrale sur le capitalisme mondial et ses dérives. Il y fut question de taxer les spéculateurs et d'encourager l'emploi des PME, entre autres. On était à mille lieues des gamineries politiciennes. Mais, alors que les assistants rangeaient le matériel, l'intellectuel constatait, un rien dépité : "Dans cette campagne, on n'a jamais pu développer, comparer les programmes, montrer qu'une autre société est possible. On aurait dû confronter les projets, les visions de l'Europe. On ne l'a pas fait."

    Benoît Hopquin

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