lundi 29 novembre 2010

« L’homme n’est pas l’ennemi de la nature » — Sylvie Brunel, géographe.

Un bateau déverse sable et gravier dans la mer au large des Pays-Bas.
La technique permet de renforcer les digues qui protègent le pays
des inondations depuis des siècles. (Peter Dejong/Keystone)

Entretien de Sylvie BRUNEL dans Le Temps :

Une poignée de géographes français s’élèvent contre le catastrophisme et la démonisation de l’homme véhiculés par une certaine écologie.

Rencontre avec Sylvie Brunel, de la Sorbonne

La catastrophe serait imminente. A en croire certains prophètes de malheur, l’homme aurait une action si nuisible sur la nature qu’il serait en passe d’en détruire les grands équilibres et de compromettre ses propres moyens d’existence sur Terre. « Pas si vite ! Le pire est loin d’être sûr », leur répondent aujourd’hui une poignée de géographes français dans un livre intitulé Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête. Ancienne présidente de l’ONG Action contre la faim et directrice du master « Mondialisation, pays du Sud et développement durable » à l’Université de la Sorbonne, à Paris, Sylvie Brunel défend l’esprit de l’ouvrage* qu’elle a codirigé.

Le Temps : L’homme prépare-t-il le terrain à de grandes catastrophes environnementales ?

Sylvie Brunel — L’être humain a un impact très important sur la planète. Aux yeux des géographes, il n’existe pas de milieu qui n’ait été transformé par lui. Cette influence découle de son exceptionnelle faculté de transformer son environnement et de son extraordinaire croissance démographique – on est passé d’un milliard d’individus en 1800 à sept aujourd’hui, en attendant d’atteindre les neuf milliards autour de 2050. Mais faut-il pour autant parler de catastrophe ? Telle est la question. Et c’est là que les géographes se désolidarisent des écologistes. De notre point de vue, cet impact n’est ni négatif, ni irrémédiable.

Le Temps : N’existe-t-il pas une contradiction entre l’appétit illimité de l’homme et les ressources limitées de la planète ?

Sylvie Brunel – Vous raisonnez comme si la nature constituait un certain stock de ressources dans lequel l’homme se contenterait de puiser. Cette perception peut se vérifier dans un petit nombre de cas, comme celui des ressources fossiles – charbon, gaz et pétrole – qui sont à la base de la dernière révolution capitaliste. Mais elle se révèle généralement erronée. Les écosystèmes sont en évolution perpétuelle. Et l’homme peut créer de la ressource. Il peut substituer du capital construit à du capital naturel, en produisant lui-même de la biodiversité, par exemple, chaque fois qu’il le juge souhaitable ou nécessaire. On ne peut pas opposer une nature qui serait par essence prodigue, bienveillante et positive à une humanité qui serait proliférante, nuisible et destructrice. La réalité est beaucoup plus complexe. Il existe un grand nombre de territoires qui ont été aménagés dans un sens positif, de la réintroduction des mangroves au Vietnam à la construction des polders aux Pays-Bas, en passant par la réhabilitation de zones considérées comme désertiques comme la Camargue. L’homme n’est pas l’ennemi de la nature.

Le Temps : Il est tout de même responsable de la disparition d’un certain nombre d’espèces…

Sylvie Brunel – Les écologistes ont raison d’attirer l’attention sur les menaces et de travailler à l’élaboration de réglementations. Il ne faut pas oublier cependant que la nature est elle-même très destructrice. Un espace livré à lui-même est envahi de végétaux et d’animaux qui en éliminent d’autres au détriment de la biodiversité. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des espèces qui existaient il y a quelques millions d’années ont d’ailleurs disparu. Quant à l’homme, s’il détruit des espèces, il tend aussi à être régulateur et créateur de biodiversité. Ce qu’il a prouvé à moult reprises dans sa pratique de l’élevage et de l’agriculture. Pensez au nombre d’espèces de chiens, de choux ou de blés nées de son initiative. La biodiversité ne s’exprime pas seulement là où la nature est laissée à elle-même mais aussi là où elle est en forte interaction avec l’homme. Ce qui me gêne dans un certain discours écologiste, c’est sa vision systématiquement négative, déprimante et accusatrice de l’action humaine sur la planète.

Le Temps : Nous avons parlé de la biodiversité. Que pensez-vous de l’action de l’homme sur le climat ? N’y a-t-il pas de raison de s’en inquiéter ?

Sylvie Brunel – Les changements climatiques ont toujours existé. L’histoire de l’humanité n’est qu’une longue adaptation à l’assèchement, aux pluies, au froid, à la chaleur. Ce défi prend des allures nouvelles du fait de la rapidité du réchauffement en cours et de la masse des populations qui se trouvent dans des endroits à risque. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour tenir un discours de la peur et de la dénonciation de groupes particuliers, comme le fait Al Gore dans son film Une Vérité qui dérange.

Le Temps : Que reprochez-vous à ce discours ?

Sylvie Brunel – La mobilisation actuelle en faveur de l’environnement est justifiée dans le sens où nous ne pouvons plus considérer, comme par le passé, que nous nous trouvons dans un espace aux ressources infinies et qu’on peut gaspiller et polluer comme on l’entend. Cela dit, elle pose deux problèmes. L’inquiétude écologique est d’abord instrumentalisée par des structures diverses, des entreprises, des partis politiques, des organisations militantes, qui voient en elle un moyen de servir leurs intérêts particuliers en se ralliant des consommateurs, des électeurs ou des sympathisants. Elle revient ensuite à mettre l’accent sur des dangers futurs au nom de tiers absents, les générations à venir, alors qu’il existe dans le monde d’aujourd’hui d’énormes problèmes à régler immédiatement, à commencer par le manque d’eau potable et de nourriture en suffisance, dont souffrent un milliard de personnes.

Le Temps : N’est-il pas important de prévenir des catastrophes futures ?

Sylvie Brunel – Pour autant que ces catastrophes soient à peu près certaines. Or, ceux qui annoncent ce genre de désastres se trompent plus souvent qu’à leur tour. Leur ancêtre, Malthus, avait expliqué à la fin du XVIIIe siècle que le développement de la production agricole n’avait aucune chance de suivre la croissance démographique, ce qui a été totalement démenti par les faits. Plus près de nous, le Club de Rome, qui a réuni des scientifiques éminents, a annoncé en 1972 l’épuisement des réserves de gaz et de pétrole avant la fin du XXe siècle. A tort également. Ces Cassandre commettent tous la même erreur. Ils s’appuient sur une situation présente pour réaliser des projections de manière mécanique sans tenir compte de paramètres comme le progrès technique ou les changements de comportement, qui ont pourtant, siècle après siècle, changé systématiquement la donne.

Le Temps : A qui profite le discours écologiste catastrophiste ?

Sylvie Brunel – Il profite tout d’abord à notre système économique. Le capitalisme a toujours cherché de nouvelles sources de profit. Or voici que, au moment où les habitants des pays industrialisés voient leurs besoins globalement satisfaits, ce discours vient leur dire que leurs biens, jugés dangereux pour la planète, doivent être remplacés par d’autres, plus propres et plus chers. Quelle aubaine !

Le Temps : Et qui ce discours dessert-il ?

Sylvie Brunel – Il lèse les petites gens. Alors que les géographes croient en la capacité de l’humanité à s’adapter au changement climatique, le discours catastrophiste insiste sur la nécessité d’empêcher autant que possible le réchauffement en limitant les rejets de gaz à effet de serre. Or, ce faisant, il attise une guerre entre les riches et les pauvres. Au niveau global entre les pays industrialisés, qui prônent la réduction des émissions et se battent pour contrôler le marché des technologies vertes, et les pays émergents, qui souhaitent privilégier les stratégies d’adaptation mais ont mille peines à obtenir les moyens financiers nécessaires. D’où de fortes tensions, comme il en a surgi lors de la conférence de Copenhague sur le climat. Au niveau local, les personnes modestes sont culpabilisées par les nantis qui ont la possibilité d’acheter des certificats de compensation carbone et de racheter ainsi leurs « écarts » comme on acquérait des indulgences au Moyen Age.

Le Temps : Les individus n’ont pas d’obligations de ce genre…

Sylvie Brunel – Certes, mais le système joue sur le désir des gens de bien se comporter et sur le sentiment de culpabilité de ceux qui n’y parviennent pas. Or, imaginez que vous êtes une mère de famille à revenu modeste, sans possibilité de compenser vos émissions. Vous êtes censée allaiter votre bébé, utiliser des couches lavables et éviter les trajets en voiture. Il s’agit là d’obligations très honorables, mais le temps consacré à les respecter interdit de s’adonner à des activités plus enrichissantes. Est-ce vraiment là ce que veulent les femmes ? Le discours catastrophiste a un caractère profondément régressif (il prétend que tout allait mieux avant) et discriminant (il est sensiblement moins contraignant pour certains que pour d’autres). Je ne suis pas contre les appels à la frugalité mais à condition qu’ils soient adressés prioritairement à ceux qui possèdent le plus.

* Le Ciel ne va pas nous tomber sur la tête, dirigé par Sylvie Brunel et Jean-Robert Pitte, Ed. JC Lattès, 2010.

Cancun, Mexico — Welcome !

Si Hulot continue comme cela, où va le conduire la radicalité de sa pensée ? Dire qu'il y a urgence, cela ne veut pas dire qu'il faut imposer. Le danger d'un certain argumentaire de la radicalité écologique, comme de la radicalité sociale, c'est de mettre entre parenthèses la démocratie. »
Daniel Cohn-Bendit



Vue d'hélicoptère de Cancun et de son 'pittoresque' front de mer. Post-moderne, surréaliste, à l'image du vacarme sur le climat : omniprésent dans les médias et dramatiquement absent du débat démocratique.



Dans les médias, « l'urgence climatique » se porte bien, elle y dégouline même juqu'à la Une des hebdos. Mais dans les choix démocratiques, ça coince -- ex. taxe carbone... Ne serait-il pas temps de poser les valises et de s'interroger sérieusement sur cet écart vertigineux entre les objectifs pharaoniques* et les avancées réelles, honorables mais presque insignifiantes ?

« L'urgence climatique » est-elle soluble dans la démocratie ?
Il faut changer de méthode, changer de logiciel.

* rappel de l'objectif européen : réduire de 30% l'émission des gaz à effet de serre en 2020, par rapport à ce qu'ils étaient en... 1990 !

dimanche 28 novembre 2010

L'usine à gaz du marché des quotas de CO2, suite et pas fin... Interview de Fabienne Keller.


Le marché des quotas de CO2 n'en finit pas de révéler ses imperfections. Après les fraudes à la TVA, après l'effondrement du marché et autres formes d'arnaques ou scandales (ex. : projets HFC-23) de nouveaux effets pervers apparaissent.

Certains industriels profitent de l'effet d'aubaine de la gratuité jusqu'en 2014 et préfèrent réduire leur activité pour revendre leurs droits d'émission non consommés. La vente de ces quotas d'émissions représenterait jusqu'à 15% de leur chiffre d'affaire.

Autrement dit, le marché des quotas de CO2 aboutirait à délocaliser des activités... Ne marcherait-on pas sur la tête ?

Pour corriger (ou rafistoler) cette anomalie, le Sénat a adopté, mercredi 24 novembre, un amendement au projet de loi de finances 2011, qui vise à faire payer aux industriels 10 % en moyenne de leurs quotas de CO2 dès 2011, alors que le marché carbone européen ne prévoit de rendre ces quotas payants qu'à partir de 2013.

Fabienne Keller, sénatrice UMP du Bas-Rhin, propose de réduire la quantité de quotas "alloués aux installations industrielles ayant fortement réduit leur activité". Elle s'en explique ci-dessous.

Reste une question fondamentale pour laquelle je n'ai toujours pas trouvé de réponse : pourquoi les quotas ont-ils été attribués gratuitement aux pays industrialisés jusqu'en 2014 ?
Cette faveur ne constitue-t-elle pas manifestement une concurrence déloyale à l'égard des pays en développement ?


Cliquer sur le logo pour accéder au site BlueNext.eu

Pourquoi vouloir anticiper la vente des quotas de CO2 ?

Fabienne Keller — La France a distribué très largement ses quotas aux sites industriels existants et a sous-évalué la réserve pour les nouvelles industries qui s'implantent en France et créent des emplois. Celle-ci est vide. Il n'est pas question de demander à ces entreprises d'acheter des quotas que l'on a distribués gratuitement à leurs concurrents. Cela va obliger la France à acquérir ces quotas sur le marché du carbone, créant un déficit de 400 millions d'euros pour 2011 et 2012.

Il faut donc trouver des financements. La proposition du Sénat en associe trois : rendre payants, dès 2011, de 5 % à 15 % des quotas pour les entreprises, en fonction de leur degré d'exposition à la concurrence internationale ; affecter à cette dépense la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité ; enfin, la récupération des quotas auprès des industriels qui ont réduit leur activité de plus de 25 % depuis 2007.

Pourquoi ajouter cette mesure ? Certains abusent du système ?

Fabienne Keller — Certaines entreprises y trouvent un effet d'aubaine : elles réduisent fortement leur activité, donc leurs émissions de CO2, mais continuent à recevoir le même volume de quotas gratuits, qu'elles revendent sur le marché. On parle de centaines de milliers de quotas à 15 euros l'unité ! Pour certaines entreprises, la vente des quotas de CO2 représente 10 % ou 15 % de leur chiffre d'affaires.

Le dispositif ne doit pas avantager les entreprises qui réduisent leur activité. Il faut éviter que le système des quotas encourage les délocalisations. Cet amendement empêchera de récompenser des entreprises comme la raffinerie Total de Dunkerque, qui transfère ses activités en Arabie saoudite, délocalisant ses émissions de CO2 sans s'encombrer de contraintes environnementales mais sans perdre ses précieux quotas de CO2...

La Commission européenne refuse que les Etats changent ainsi les règles du jeu.
Comment espérez-vous la convaincre ?

Fabienne Keller — L'Europe laisse à chaque pays le soin de répartir son enveloppe de quotas. La sous-dotation des nouveaux entrants est donc un problème national, et non communautaire. Par ailleurs, la Commission a laissé la possibilité aux pays de rendre payants une petite partie des quotas dès 2008, même si la France avait décidé de ne pas le faire. On ne fait qu'anticiper ce qui deviendra la règle en 2013. Ces mesures respectent l'esprit du marché carbone. La Commission ne peut pas s'y opposer.

Craignez-vous de rendre les industriels français furieux ?

Fabienne Keller — Nous avons déjà eu l'occasion d'étudier ces propositions avec les représentants du patronat. Bien sûr que les industriels y sont extrêmement défavorables. Mais c'est indispensable.

Dans l'édition du Monde daté 27.11.10

samedi 27 novembre 2010

Versailles


















Vague de grand froid annoncée ;
Hébergement d'urgence saturé ;
Le 115 n'en peut plus...

— On fait quoi ?


.

jeudi 25 novembre 2010

La Société de géographie décerne son Grand - Prix au professeur Claude ALLÈGRE





Samedi prochain 27 novembre, la Société de géographie décernera son Grand-Prix à Claude Allègre.

Un mois plus tôt, le 26 octobre, l'Académie des Sciences rendait public son rapport (très nuancé) sur le changement climatique.

Curieusement, la plupart des journaux ont présenté ce rapport comme un désaveu de Claude Allègre et des "climato-septiques" :
Mais la réalité est beaucoup plus nuancée.

Sur 12 pages (ci-dessous), le rapport de l'Académie des sciences énonce d'abord toute une série de faits qui ne sont nullement contestés par les "climato-sceptiques" :
  • le CO2 est un gaz à effet de serre, parmi tant d'autres ;
  • la teneur de CO2 dans l'atmosphère augmente ;
  • cette augmentation est principalement due aux activités humaines, directement (par combustion des ressources fossiles) ou indirectement (par la déforestation).
En réalité, les objections de Claude Allègre n'ont jamais porté sur ces points mais sur la relation de cause à effet entre l'augmentation du taux de CO2 dans l'atmosphère et l'évolution de la température terrestre, telle qu'elle est mesurée.

Et sur ces deux points (évolution climatique & relation causale t°/CO2), le rapport de l'Académie des sciences reste, à mes yeux, d'une prudence de Sioux :
  • d'une part, l'évolution de la température relatée dans le rapport se limite à une période allant de 1975 à 2003. Curieux, car la hausse des émissions de CO2 d'origine anthropique a débuté avec la révolution industrielle, il y a plus d'un siècle et demi ! Visiblement, la hausse des températures n'est plus observée depuis 2003 -- ce qui n'efface pas l'hypothèse d'un réchauf-fement global mais fragilise la démonstration, comme le révélait la réunion du GIEC à Genève en septembre 2009 (réf.) ;
  • d'autre part, le rapport de l'Académie fait un inventaire détaillé des multiples causes qui pourraient influencer l'évolution du climat mais dont les mécanismes restent aujourd'hui encore, insuffisamment ou imparfaitement décrits par la science. Ainsi par exemple, la formation des nuages, l'influence de l'activité solaire, le rôle thermo-dynamique des océans sont encore des champs en friche de la connaissance scientifique.
Bien loin d'estimer que le débat est clos, le rapport de l'Académie des sciences souligne au contraire l'importance des questions scientifiques qui restent à explorer pour consolider nos prévisions climatiques à moyen et à long terme.

Certes, le texte de l'Académie affirme que le réchauffement observé entre 1975 et 2003 est principalement du à l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère. C'est du reste, la seule phrase qui interpelle les climato-sceptiques dans ce rapport de 12 pages. Mais la formulation est moins nette que la thèse du GIEC (essentiellement ou majoritairement) et laisse la porte ouverte à l'impact d'autres facteurs dans l'évolution climatique constatée sur cette période.

D'ailleurs, la revue scientifique Nature ne s'y est pas trompée. Dans un bref commentaire sur son blog, Nature préfère parler de la French climate farce (trad. fr), plutôt que de trancher entre les différents protagonistes de la controverse. Les journalistes du Monde et de Libération feraient bien de s'inspirer de cette prudence dans leurs commentaires toujours à charge contre le "scepticisme" climatique (traduire : doute scientifique) de Claude Allègre et de Vincent Courtillot.

Ci-dessous, rapport (12 pages) de l'Académie des sciences et interview de Vincent Courtillot pour l'émission Science publique - France Culture de Michel Alberganti



Interview de Vincent Courtillot (26 min.) par Michel Alberganti relatant la journée de débats du 20 sept. à l'Académie des Sciences, pour l'émission Science publique - France Culture :


Science Publique: Vincent Courtillot
envoyé par franceculture.

lundi 22 novembre 2010

TVA sur le "livre numérique" : un fichier est-il un produit culturel ?

Un fichier numérique est- il un produit culturel ? Le taux réduit sur le "livre numérique" voté par le Sénat cet après-midi est une très mauvaise idée.

Par "livre numérique", on entend un fichier (de formats divers et variés) destiné à des appareils de lecture (de formats divers et variés, formats propriétaires le plus souvent).

Un fichier numérique N'EST PAS pas un livre. Surtout quand RIEN ne garantit au lecteur final la COMPATIBILITÉ entre les formats de fichiers et les différents appareils de lecture !

Coïncidence ? Cet amendement est adopté au lendemain du lancement du Fnacbook, dont on sait qu'il est délibérément incompatible avec le support de lecture le plus vendu dans le monde : le Kindle d'Amazon.

En ces temps de déficit budgétaire abyssal (152 milliards d'€uros pour 2010) les Sénateurs n'ont-ils rien de mieux à faire que supprimer des recettes de TVA pour des motifs fort discutables ?

Plus généralement, les parlementaires ne devraient-ils pas rester à l'abri des lobbys industriels qui manœuvrent pour optimiser leurs revenus et imposer leurs formats ? Nos parlementaires ne seraient-ils pas plus utiles à garantir la compatibilité des appareils et des formats pour les utilisateurs finaux ?

Non, un fichier numérique INCOMPATIBLE n'est pas un produit culturel !

En revanche, le format CD pour la musique et le format DVD pour le cinéma sont bien des formats compatibles... Qu'attend-on pour réduire leur TVA, comme pour les autres produits culturels ? Pour le financer, il suffirait de rétablir le taux normal de TVA sur la restauration.

dimanche 21 novembre 2010

Devinez pourquoi GOOGLE émet ses factures depuis l’Irlande ?

Les contribuables européens vont payer pour sauver les banques irlandaises
— à lire sur Coulisses de Bruxelles, le blog de Jean Quatremer —


Devinez pourquoi Google émet ses factures et ses paiements depuis l’Irlande ? C'est à Dublin qu'est installé son centre de gestion pour toute l’Europe : impôt sur les sociétés proche de zéro, un vrai paradis fiscal.

Cet après-midi, un conclave de ministres des finances européens vient de décider de voler au secours de l'Irlande dont le déficit budgétaire atteint des fonds abyssaux (32% du PIB).

Facture : entre 80 et 90 milliards d'Euros piqués* dans la poche du contribuable européen lambda, le péquin moyen comme vous et moi...

Jusqu'ici, tout va bien... Si au moins ce nouvel épisode de vertige monétaire permettait de rapprocher les politiques fiscales au sein de l'Union européenne... mais j'en doute, hélas.

* : on dit "empruntés" en langage diplomatique du FMI et de la BCE... Mais si l'affaire tourne mal, le résultat est le même !

Lire sur le blog de Jean Quatremer : Les contribuables européens vont payer pour sauver les banques irlandaises
.

jeudi 18 novembre 2010

Remaniement : les femmes, seule incarnation de la diversité, par Azouz Begag



Tribune d'Azouz Begag dans

« Le remaniement ministériel auquel nous venons d'assister marque un tournant dans la conception sarkozyste de la diversité. Rama Yade et Fadela Amara sont remerciées. Elles étaient sans doute devenues des minorités trop visibles aux yeux de ceux-là mêmes qui les ont promues.

« Trop causantes, aussi, même si l'ancienne responsable de l'association Ni putes ni soumises n'avait pas manqué d'affirmer son soutien à Brice Hortefeux lors de son dérapage raciste contre les Auvergnats, qui lui valut une condamnation pour injures raciales. Sa collègue secrétaire d'Etat aux aînés, Nora Berra, avait aussi apporté son soutien au ministre de l'intérieur, soucieux d'être légitimé par ses collègues de la diversité.

« Nora Berra reste membre du gouvernement Fillon 2. Sans doute pour sa discrétion et son humilité médiatique... et elle incarnera avec Jeannette Bougrab cette troublante diversité qui accompagnera l'équipe gouvernementale au combat jusqu'à la présidentielle. Des femmes remplacent des femmes. Il faut s'interroger sur cette façon de féminiser l'intégration des minorités en politique. Ce n'est pas fortuit si ce ne sont que des femmes issues de l'immigration que Nicolas Sarkozy a promues au gouvernement.

« Cet affichage doit satisfaire l'électorat majoritaire pour qui les femmes d'origine immigrée ont une meilleure image que les hommes. Elles inspirent moins d'inquiétude. "Elles présentent bien, elles présentent mieux", entend-on ici et là. Il n'est en aucun cas destiné aux minorités visibles qui participent encore peu aux consultations électorales. En octobre 2009, en Autriche, la campagne avait montré que le chef du Parti de la liberté (FPÖ) n'avait cessé de stigmatiser les immigrés musulmans par le biais d'un slogan "Sécurité pour les femmes libres !", qui excluait à ses yeux celles qui portent le voile. La tendance est claire dans nombre d'autres pays européens.

« Au sein de la population arabo-musulmane de France, cette féminisation exclusive de l'intégration des minorités passe mal. Elle a un goût amer de provocation. Elle symbolise aux yeux de beaucoup une émasculation, une volonté de créer une image de vous qui vous paralyse, qui vous fait honte de ce que vous êtes, tellement elle est mauvaise... Cette image négative crée de la colère et de la violence. La tendance est claire depuis 2007. Il faut se remettre en tête, durant la campagne présidentielle, l'intervention télévisée du 5 février 2007 du candidat de l'UMP à propos des moutons égorgés dans les baignoires, la polygamie et l'excision des filles : elle visait les hommes musulmans.

« Ainsi, la conception caricaturale, manichéenne qui voudrait séparer le bon grain de l'ivraie, la "racaille" - les garçons -, des travailleuses méritantes, "ni putes, ni soumises", incarnation de l'excellence du modèle méritocratique, dévoile la production d'un discours sur l'islam dans lequel la femme serait la digne Marianne, et le mâle un proxénète barbu et macho en puissance. Au demeurant, une menace potentielle pour l'équilibre et la tranquillité nationale.

« Lors de la campagne de 2007, c'est Rachida Dati que Nicolas Sarkozy a choisie comme porte-parole de campagne au côté de Xavier Bertrand. Elle deviendra ministre de la justice. En réponse, dans le camp socialiste, Ségolène Royal choisira Najat Belkacem, proche du maire de Lyon. En avril, c'est encore une femme, Jeannette Bougrab, qui était nommée à la tête de la Halde, alors que l'ex-président de SOS-Racisme Malek Boutih était candidat. Elle deviendra ministre. Si à l'Assemblée nationale, parmi les 577 députés, il n'y a aucun "représentant" d'origine maghrébine, au Sénat tous les sénateurs issus de l'immigration sont des femmes.

« Cette féminisation de l'élite politique issue de la diversité a accru le sentiment d'éviction des jeunes Arabes, alors que depuis trois décennies ce sont eux qui subissent la plus grosse charge des vexations, des humiliations et des violences sociales et économiques.

« Ces nominations marquent une nouvelle étape dans les prérequis exigés des enfants de l'immigration désireux de faire carrière en politique : qu'ils soient des minorités invisibles et silencieuses. C'est ce que la société d'accueil demandait à nos parents arrivés en tant que force de travail dans les années d'après-guerre ! Ce qui s'appelait alors raser les murs. 2011 sera l'année de tous les risques d'exacerbation identitaire. Les provocations de tous bords ont déjà commencé. Après avoir été louée et chantée à tue-tête, la diversité est désormais orpheline en politique. Le terrain est libre pour le déclenchement des hostilités contre les autres. »

Azouz Begag, chercheur au CNRS, labo prefics, université Rennes-II, ancien ministre de l'égalité des chances.
Tribune parue dans Le Monde du 19.11.10
.

lundi 15 novembre 2010

Cumul de mandats & conflit d'intérêt : connaissez-vous Philippe Richert ?

Mise à jour du lendemain :
Philippe RICHERT confirme dans les Dernières Nouvelles d'Alsace de ce matin qu'il cumulera les fonctions de :
— président du Conseil régional d'Alsace et de
— ministre chargé des collectivité territoriales.
Lire son interview au commentaire n°1.

Philippe Richert
vient d'être nommé ministre chargé des collectivités territoriales dans le gouvernement dit Fillon III. Jusqu'ici, Philippe Richert n'était que sénateur du Bas-Rhin à mi-temps et président du Conseil régional d'Alsace à mi-temps.

Nommé ministre, Philippe Richert abandonnera nécessairement son mandat de sénateur. Mais lâchera-t-il son mandat de président du Conseil régional d'Alsace ? Rien ne l'y oblige. Je l'ai interrogé hier soir sur son mur Facebook mais sa réponse tarde un peu. Suspense... Ministre des collectivités territoriales et Président d'un conseil régional... Les risques de conflit d'intérêt sont soulignés par les militants de l'UMP eux-même.

Dans le même registre, on sait déjà qu'Alain Juppé a choisi de rester maire de Bordeaux à mi-temps, en même temps que ministre de la Défense ... à mi-temps, donc.

En Alsace, si Philippe Richert, ministre décidait de démissionner de la présidence du Conseil régional, il est vraisemblable que son 1er vice-président André Reichardt prendrait sa place. Mais ce dernier est aussi celui qui devrait le remplacer... au Sénat ! Mise à jour : info confirmée par les DNA ce soir. Ah, le joli jeu des chaises musicales dans la démocratie représentative ;-)

Dans cette hypothèse, André Reichardt décrocherait le pompon du cumulard toute catégorie puisqu'il deviendrait à la fois :

lundi 8 novembre 2010

Logement : les associations alertent à nouveau

Source : Mediapart

Le pont des Arts, pont des amoureux, s'est transformé le temps d'une journée en pont des mal-logés. Le campement n'aura pas tenu longtemps: vendredi 5 novembre vers 20h15 la police est intervenue pour démonter les 31 tentes rouges installées par les 31 associations de lutte contre le mal logement, posées le matin même sur ce pont situé face au Louvre à Paris. Et ce afin d'interpeller le gouvernement sur ses «promesses non tenues». Un rendez-vous avec le premier ministre a été fixé en début de semaine prochaine.

«On est satisfaits du rendez-vous mais on aurait pu se passer de la petite séquence CRS. Dans le fond, on aurait préféré ne pas avoir à venir du tout sur le pont des Arts», a déclaré à l'AFP M. Angotti, s'exprimant au nom du Collectif (LDH, Emmaüs, Secours catholique, fondation Abbé-Pierre, etc.)

L'objectif de cette journée d'action? «Remettre la question de la lutte contre les exclusions et le mal logement en haut des priorités de l'État, pour sortir de l'impasse ceux qui souffrent de la crise du mal logement dans notre pays», a expliqué Christophe Robert, délégué général adjoint de la fondation Abbé-Pierre. Il s'agit de «tirer la sonnette d'alarme, de mettre sur un pont et pas dessous, au cœur de Paris» ce problème de la crise du logement. «Les associations ne pourront pas gérer la crise continuellement comme ça.»


Mal logement: les tentes du Pont des Arts avant évacuation
envoyé par Mediapart. - L'info video en direct.

Quatre ans après l'installation de quelque 200 tentes sur les berges du canal Saint-Martin à Paris, puis un peu partout en France, les propos sont très amers: «Vous allez voir que dès l'arrivée des grands froids les ministres – si ce n'est pas le président de la République – vont se précipiter dans un foyer d'hébergement pour plaindre le sort des sans-abri, mais derrière ça ne suit pas, les associations n'ont pas été subventionnées à hauteur des besoins», soutient Jean-Yves Cottin, s'exprimant au nom du Comité des sans-logis.

«Nicolas Sarkozy, c'est celui qui a dit pendant la campagne “Je veux – si je suis élu – que d'ici deux ans plus personne ne dorme à la rue”, il a dit ça en hiver avec des larmes de crocodile, et depuis il a été élu et il a fait augmenter les prix», rappellera Julien Bayou de Jeudi Noir, venu en soutien. Ce dernier dénonce notamment une «contre-politique du logement des apprentis pyromanes du gouvernement» qui préfèrent «baisser les crédits, ne pas respecter la loi SRU (les 20% de logements sociaux), vider le droit opposable de son efficacité, soutenir sans réfléchir l'accession à la propriété qui fait augmenter les prix».

Etienne Pinte (député UMP) est passé dans la matinée pour les soutenir. «Tout le travail qu'il a fait pendant six mois a été mis aux oubliettes, il est vraiment très déçu et essaye d'interpeller de son côté comme il peut, mais ça va être compliqué de le faire dans sa majorité sachant que c'est aussi compliqué d'interpeller à gauche sur ces questions», dira Augustin Legrand, venu sous la casquette de président des Enfants de Don Quichotte (et non en tant que conseiller régional Europe Ecologie pour l'Ile-de-France), regrettant l'absence des grands partis de l'opposition lors de cette journée d'action hautement symbolique.

Hugo Vitrani, stagiaire à Médiapart, le 8 novembre 2010

lundi 1 novembre 2010

Biodiversité sauce Nagoya : la Nature n'a pas de prix, vendons-la quand-même !



Curieux satisfecit sur les "accords" de Nagoya depuis trois jours...

De Chantal Jouanno, secrétaire d'État UMP à Sandrine Bélier, député européen Europe Écologie en passant par Yann Wehrling, porte-parole du Monde parallèle (MoDem) tout le monde semble satisfait... mais satisfait de quoi ? Même Libération participe au concert unanime : Nagoya est un succès, qu'on se le dise !

Trois jours après la clôture de COP 10, je recherche toujours le texte de cet accord... introuvable. Si un de mes lecteurs sait où il se trouve, les commentaires sont ouverts ;-) Merci d'avance.

À défaut du texte pour apprécier le contenu de cet accord et ce qu'en disent médias & politiques unanimes, je me suis rabattu sur le podcast de Terre à terre, l'émission de Ruth Stégassy sur France Culture, tous les samedi entre 7h05 et 8h.

Je vous recommande d'écouter son émission sur Nagoya, tant elle pose d'excellentes questions. En attendant, je cherche toujours le texte de l'accord tant salué... Télécharger le MP3 ici.

Lire aussi les textes d'Agnès Bertrand et Françoise Degert :
- Nagoya : le bal des financiers sur Le Monde.fr, le 21 octobre 2010 et
- La finance à l'assaut de la biosphère sur Libération.fr, le 29 juin 2010.

« Le problème de cette nature,
c'est qu'elle est gratuite »

Hélène Leriche
.