mardi 23 avril 2013

Mariage pour tous


Dans quelques heures, l'Assemblée nationale va adopter le projet de loi dit "mariage pour tous". Comme 70 à 80% des Français, je me réjouis très sincèrement de l'égalité des droits enfin acquise pour tous les couples. Ça n'enlève rien à quelques réserves sérieuses que j'ai sur ce texte :

  • Pourquoi avoir créé deux catégories de mariage, l'une avec et l'autre sans la présomption de paternité ou parentalité ? Car demain, quand une femme mariée mettra au monde un enfant, le statut parental de son ou sa conjoint(e) dépendra de son sexe... Où est l'égalité ? J'imagine que, dans les semaines ou les mois qui suivront l'adoption de ce texte, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) arrivera devant le Conseil constitutionnel. Bien embarrassante question qui résulte d'une certaine forme d'hypocrisie de la part du législateur : mettre le pied dans la porte et s'en remettre au juge constitutionnel... L'avenir nous en dira plus.
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  • Le désordre instillé sur la filiation qui pourtant, n'était pas l'objet principal de ce texte car aujourd'hui, plus de la moitié des enfants naissent hors mariage. Il fallait évidemment trouver des solutions pour protéger les enfants vivant dans des couples homoparentaux (mariés ou pas d'ailleurs). Mais pourquoi bouleverser le concept de filiation, ce qui suscite tant d'opposition et d'incompréhension ? On aurait pu par exemple, supprimer la discrimination sur l'orientation sexuelle des adoptants solos et permettre l'adoption simple par les conjoints. En réalité, chacun sait que l'ouverture de l'adoption plénière aux couples de même sexe permet d'ouvrir la porte à des évolutions considérables de l'assistance médicale à la procréation, souhaitées par certains. L'avenir nous dira là aussi, si l'hypocrisie du législateur a été bonne conseillère... Wait and see. Mais cette question, qui devrait être traitée en fin d'année après l'avis du Comité consultatif national de bioéthique, suscite de vives oppositions y compris au sein de la majorité parlementaire.
Vive l'égalité des droits ! La fête aurait été totale sans ces confusions regrettables mais délibérées.

jeudi 31 janvier 2013

Référendum Conseil d'Alsace : création d'un groupement politique de circonstance.

À l'approche de la prochaine campagne référendaire sur la Collectivité territoriale d'Alsace, Lucia D'Apote et moi-même avons adressé une lettre au Président du Conseil régional d'Alsace afin de connaître précisément les conditions d'habilitation des groupements politiques d'anciens candidats aux élections cantonales, en application de l'article LO1112-10 4ème alinéa du Code général des collectivités territoriales.

Jacques Fortier s'en est fait l'écho sous le titre "Colocation de campagne ?", ce matin dans les Dernières Nouvelles d'Alsace.

dimanche 27 janvier 2013

Référendum sur le Conseil d'Alsace : quelle est la question ?

Si la réponse au référendum doit tenir en trois lettres, oui ou non, mieux vaudrait que la question posée soit claire et précise.

Or, les trois collectivités territoriales alsaciennes viennent d'y introduire beaucoup de confusion en adoptant vendredi, à quelques minutes d'intervalle, deux résolutions contradictoires indiquant chacune une question différente pour ce référendum.

Dans la résolution consacrée à l'organisation du référendum, chacune des 3 collectivités demande à l'État de soumettre à la consultation des électeurs du Bas-Rhin et du Haut-Rhin la question suivante :

— « Approuvez-vous le projet de création en Alsace, d'une Collectivité territoriale d'Alsace, par la fusion du Conseil régional d'Alsace, du Conseil général du Bas-Rhin et du Conseil général du Haut-Rhin ? »

En répondant oui ou non à cette question, il s'agit d'approuver la fusion dans son principe seulement, comme le prévoit la loi du 16 décembre 2010 dans son article 29, créant l'article L4124-1 du Code des collectivités territoriales.

Mais la deuxième résolution adoptée par les trois assemblées, confirmant celle adoptée par le Congrès d'Alsace le 24 novembre 2012, énonce une question très différente puisqu'avant le point d'interrogation est inséré un complément qui en change profondément le sens :

— « Approuvez-vous le projet de création en Alsace, d'une Collectivité territoriale d'Alsace, par la fusion du Conseil régional d'Alsace, du Conseil général du Bas-Rhin et du Conseil général du Haut-Rhin répondant aux principes d'organisation énoncés ci-joint ? »

Il ne s'agit plus là d'approuver la fusion dans son principe mais d'approuver précisément les modalités d'organisation énoncées à savoir :
  • deux présidents : un pour l'assemblée "délibérante", l'autre pour le "conseil" exécutif ;
  • deux sièges : l'assemblée à Strasbourg, le conseil exécutif à Colmar ;
  • un transfert de compétences spécifiques pour l'Alsace en matière d'éducation notamment ;
  • des capacités réglementaires pour adapter l'action publique aux spécificités de l'Alsace ;
  • des conférences départementales chargées de la concertation, de l'évaluation et des propositions en direction du conseil exécutif ;
  • des conseils de "territoires de vie" avec fonction exécutive puisqu'ils participent à la mise en œuvre des politiques régionales ;
  • une réduction du nombre d'élus limitée de 10% à 20% ;  
  • deux modes de scrutins différents pour élire le conseil unique d'Alsace, l'un uninominal à l'échelon cantonal, l'autre proportionnel de liste à sections départementales ;
  • part de proportionnelle inchangée par rapport à la situation actuelle du Congrès soit 38,5% élus à la proportionnelle et 61,5% élus au scrutin majoritaire à deux tours.

Ce projet, dont la méthode d'élaboration a été contestée, résulte d'un "groupe projet" dont les réunions et auditions n'ont pas été publiques. Ce groupe ne dispose d'aucune compétence légale pour légiférer ni même proposer, il ne s'est réuni que six fois, quelques heures en matinée, en séance non publique, y compris pour son installation et pour la préparation du congrès de novembre dernier.

À 70 jours du référendum prévu le 7 avril, la situation est donc très confuse. À quelle question précise devront répondre les Alsaciens : leur accord de principe sur la fusion ou la validation du projet qu'on leur présente ? Quelle est la légitimité du "groupe projet" (ou des trois présidents) à soumettre leur proposition d'organisation à validation par référendum, ce qui n'est aucunement prévu par la loi du 16 décembre 2010 dans l'article L4124-1 du Code des collectivités territoriales ?

À cette confusion s'ajoute un écueil juridique sérieux puisque la future loi de décentralisation ne sera pas adoptée avant le printemps c'est à dire pas connue des Alsaciens avant la campagne du référendum. Or c'est cette loi, dite acte III de la décentralisation, qui clarifiera les compétences respectives entre les différents échelons territoriaux. Comment les Alsaciens vont-ils pouvoir se prononcer sur la fusion en toute connaissance de cause, sans connaître le périmètre précis des compétences fusionnées ou transférées par la future loi de décentralisation ? 

Ne serait-il pas plus sage, dans cette situation, de reporter ce référendum de quelques semaines pour ne pas risquer d'entacher son résultat d'incohérences juridiques ou de calendrier ? Le flou artistique sur la question posée et cette marche forcée en dépit du bon sens ne risquent-ils pas de susciter l'agacement des électeurs alsaciens ? La démocratie locale mériterait d'être conduite avec un peu plus de méthode et de cohérence.

Il appartient aux trois exécutifs alsaciens et aux services de l'État de clarifier ces questions dans les meilleurs délais, pour remettre le projet de Conseil unique d'Alsace sur ses rails, si c'est encore possible ! Depuis deux ans, les avertissements n'auront pas manqué sur ce blog...