samedi 11 avril 2009

S.O.S. ... Démocratie parlementaire en déroute !

Jeudi soir, le Grand Guignol du scrutin Hadopi a occulté un fait autrement plus sérieux : sous la pression de la France, le Conseil de l'Union européenne propose de vider de sa substance une recommandation adoptée le 28 mars par le Parlement européen à une écrasante majorité : 481 voix contre 25 et 21 abstentions.

En cause : l'amendement 138/46 du rapport Lambrinidis intitulé "Renforcement de la sécurité et des libertés fondamentales sur Internet". Cet amendement prévoyait que seule l'autorité judiciaire pourrait décider d'une restriction d'accès à Internet, comme sanction éventuelle au téléchargement abusif.

C'en est trop pour le gouvernement français qui défend le principe d'une riposte graduée avec des sanctions automatiques décidées par une simple autorité administrative : la fameuse Hadopi.

À la demande de la France, le Conseil de l'UE propose donc une nouvelle version du texte : « Aucune restriction ne peut être imposée sur les droits fondamentaux des utilisateurs, sans une décision préalable d'autorités légalement compétentes ». Exit donc la garantie d'une autorité judiciaire prévue par l'amendement 138/46 : une simple autorité administrative à la sauce Hadopi suffira. Et tir à vue sur l'amendement 138/46.

C'est la 3ème fois que le gouvernement français fait pression sur le Conseil européen pour obtenir cette restriction aux droits fondamentaux des internautes.

Rendez-vous le 21 avril pour l'adoption du Paquet Telecom par la commission Industrie du Parlement européen, avant l'adoption définitive en 2ème lecture. Espérons que les députés européens sauront se faire respecter en déjouant une nouvelle fois les pressions liberticides... de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement.

Photo : d'après Richard Ying sous licence Creative Commons

Au moins, les débats au Parlement européen – avec 447 votants – ont-ils une autre allure que les images pitoyables de l'Assemblée nationale. Seulement 16 votants lors de l'adoption d'Hadopi en 1ère lecture le 2 avril – soit 2,8 % des députés présents ! Et à peine plus lors du rejet inattendu (et provisoire) de jeudi : 36 larrons* étaient présents, soit 6,2% des députés !

Hadopi et le paquet Télécom de l'UE sont au cœur des mutations industrielles, économiques et culturelles de notre temps. Aux États-Unis comme en Europe, Internet prend une large part de la croissance durable de nos économies. Dans ce contexte et avec de tels enjeux, comment ne pas s'indigner devant un hémicycle déserté ? Ne serait-il pas temps que les citoyens demandent des comptes à leurs élus ? Qu'attend-on pour interdire le cumul du mandat de parlementaire (député ou sénateur ou européen) avec tout autre mandat électif ?

La démocratie représentative est en danger !
Et si un référendum d'initiative populaire s'emparait de la question du cumul, à bras le corps ? Je ne vois pas d'autre solution pour passer outre les conservatismes et les intérêts catégoriels de nos élus.

* : Merci à eux et en particulier aux habituels 'petits soldats' Christian Paul (PS) Jean Dionis du Séjour (NC) Martine Billard (Vert) qui ont une fois de plus démontré leur parfaite maîtrise du sujet technique et de ses enjeux sociaux, économiques et culturels sans oublier Lionel Tardy (UMP) pour son indépendance d'esprit et son courage ainsi que Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République). Les trois députés du Mouvement démocrate ont été dramatiquement absents de ce débat.

15 commentaires:

  1. "Ceux qui Sauront"

    écoute ici de quoi il en est...en adéquation parfaite avec ton article.

    http://www.frozentivi.com/article/333/Episode+5+%3A+Ceux+qui+Sauront+et+La+Lune+seule+le+sait

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  2. La fin de l'adresse n'est pas passée (je crois)

    http://www.frozentivi.com/article/333/Episode+5+%3A+Ceux+qui+Sauront+et+La+Lune+seule+le+sait

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  3. Ah çà, le cumul des mandats... :-(
    Ainsi que les critères de choix pour les investitures...
    Et le privilège accordé aux réseaux et à la volonté de se montrer plutôt qu'aux débats parlementaires

    La pression, y a que ça qui marche dans les nations repliées sur elle-mêmes... et on voudrait calquer ce modèle en Europe?

    Nos pseudo-représentants n'ont qu'à bien se tenir, ce système va imploser... En tout cas, à nous de bosser pour. ;-)
    Arghhhhhh! Je suis en colèèèèèèèère!

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  4. Arghhhhhh! Moi aussi je suis en colèèèèèèère !
    ;-)

    la fin de l'adresse n'est toujours pas visible (sur mon écran)

    donc je persiste:
    la fin est : Lune+seule+le+sait

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  5. Pareil pour les députés européens, pourquoi seraient-ils les seuls autorisés à cumuler?

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  6. Bonjour,

    Petite question d'un néophyte en matière de machinerie parlementaire. Pourquoi ce projet de loi aurait pu être définitivement adopté si seuls 21 députés avaient voté pour et 15 contre alors qu'un rejet de 21 voix contre 15 fait que le projet repassera de toute façon devant le parlement ? Il y a là quelque chose qui m'échappe. Cela voudrait-il dire que quand le vote du parlement ne convient pas au gouvernement en place, ce dernier insiste pour obtenir ce qu'il veut ? La démocratie semble bien n'être en effet qu'un objectif à atteindre...et il reste du boulot!

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  7. @ Philippe : tu veux dire qu'il existe une face cachée de l'hémicycle, comme sur la Lune ?-)

    @ Nelly : allons enfants ! Et si on transformait nos colères en initiatives citoyennes concrètes, déconnectées des logiques d'appareil et des intérêts corporatistes des élus ?

    @ Martine : merci pour votre vigilance, mon oubli est réparé !

    @ Bohrapsody : en voilà une excellllllllente question, qui mériterait bien un billet !

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  8. Tiens ! Je n’avais pas pensé à ça…

    De mon point de vu, le lien avec ton billet réside plus dans le bouquin « Ceux qui Sauront ». Où l’accès au savoir est confisqué par ceux qui gouvernent pour mieux dominer la population, un peu comme un moyen âge moderne. Aujourd’hui Internet symbolise avant tout l’accès gratuit, généralisé, hyper-démocratisé, à la connaissance et au savoir. Donc commencer par instituer des lois qui pourraient priver des citoyens du savoir et de l’accès à l’information, est d’abord en contradiction avec la charte des principes fondamentaux européens, et rejoint à grand pas le thème de ce livre, si excellemment présenté par frozentivi.

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  9. Je ne connaissais pas frozentivi.com j'ai exploré un peu, c'est vraiment vraiment bien mais je n'ai pas lu le livre en question.

    Finalement, l'histoire se répète, plus de 5 siècles après Gutenberg. Le privilège de librairie mettait déjà l'impression et la distribution des livres sous contrôle...

    Et si Galilée n'avait pas lu Copernic dans une édition 'pirate' hollandaise ... ... ...

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  10. Le dédain d’un gouvernement

    Le 9 avril dernier a eu lieu un événement rare. Le texte issu des travaux de la Commission mixte paritaire (CMP) concernant le projet de loi « favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet » a été présenté, conformément à l’article 45 de la Constitution, à l’Assemblée nationale et au Sénat pour approbation. Le Sénat l’a approuvé, avec une forte abstention, et l’Assemblée nationale, après un coup de Jarnac que l’on peut considérer comme la deuxième étape de la riposte graduée citoyenne, l’a rejeté. (...)

    http://www.generationsengagees.fr/?p=1307

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  11. Comment se fait-il qu'il existe encore cette institution archaïque antidémocratique de conseil des ministres Européens ?
    Mais qu'on les pende haut et court !!
    Le goudron et les plumes !!!!!

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  12. Si déjà, les réunions du Conseil des ministres européens étaient publiques et donnaient lieu à des compte-rendu, les choses seraient plus claires car les influences se joueraient 'à ciel ouvert' sous les yeux de l'opinion publique européenne.

    Mais en l'occurrence, les bribes d'infos qui nous préviennent évoquent plutôt le Conseil de l'UE (c-a-d les Conseil des Chefs d'État et de gouvernements)... Bizarre bizarre car à ma connaissance, celui-ci ne s'est pas réunir récemment ...

    Va nous falloir un Sherlock Holmes des coulisses de Bruxelles pour y voir clair !!!

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  13. Pour les dernières péripéties concernant l'amendement Bono, voir Numerama :
    Hadopi : Catherine Trautmann sommée de sauver l'amendement Bono

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