samedi 28 mars 2009

Quand le Parlement européen protège nos libertés fondamentales : le casse-tête HADOPI.fr







Illustration : Democratia-Europe
d'après Eugène Delacroix
La Liberté guidant le Peuple

Christine Albanel a du souci à se faire... Alors que l'Assemblée nationale reprend lundi l'examen du projet de loi Hadopi, le Parlement européen vient d'envoyer un joli pavé dans la mare.

Les députés européens viennent de réaffirmer solennellement, par 481 voix contre 25, que « l'accès à Internet ne devrait pas être refusé comme une sanction par des gouvernements ou des sociétés privées », remettant ainsi en cause la sanction ultime de la 'risposte graduée' prévue par Hadopi.

L'histoire de cet amendement est ro-cam-bo-lesque et mérite d'être rappelée ici dans le détail — ici et nulle part ailleurs ;-) Elle met en lumière l'un des principaux lobbies du Parlement européen, trop souvent ignoré : le lobby des États nationaux eux-même, de la France en particulier.

En avril 2008, le Parlement européen adoptait un amendement recommandant d'« éviter l'adoption de mesures allant à l'encontre des droits de l'homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d'efficacité et d'effet dissuasif, telles que l'interruption de l'accès à internet. » L'amendement était défendu par Michel Rocard entre autres, dans un rapport sur les industries culturelles en Europe.

Aussitôt, un intense lobbying des industries culturelles se met en place au niveau européen pour faire accepter le principe d'une 'riposte graduée', sanction qui avait été préconisée par Guy Olivennes, ancien patron de la Fnac, dans un rapport au Président de la République.

Ce lobbying fut heureusement déjoué par les députés européens le 24 septembre 2008, en première lecture du paquet Telecom. Dans son amendement 138, le texte déclare qu' « aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire, en application notamment de l’article 11 de la charte des droits fondamentaux, sauf en cas de menace à la sécurité publique où la décision judiciaire peut intervenir postérieurement».

Cet amendement fut adopté par 573 voix contre 74. Le système de la 'riposte graduée' à la française, sous l’égide d’une simple autorité administrative, l’Hadopi, semblait pour le moins compromis...


Mais c'était sans compter sur le travail de sape de la Présidence française de l'Union européenne. Le 4 octobre 2008, Nicolas Sarkozy adressait une lettre au président de la Commission, José Manuel Barroso, lui demandant de retirer l'amendement 138 !

Le 6 octobre, la Commission européenne rejetait officiellement la demande de Nicolas Sarkozy et le 21 octobre, annonçait retenir le fameux amendement. Ouf ? C'était sans compter sur l'influence de la Présidence française au sein du Conseil européen...

Quelques jours avant le Conseil des ministres des Télécom, le gouvernement français obtenait « l’accord des autres pays » pour rejeter ou « au pire s’abstenir », afin de réunir une majorité qualifiée d’Etats membres pour supprimer l'amendement 138 pourtant adopté par 573 députés européens contre 74. Ce fut fait le 27 novembre 2008, lors du Conseil des ministres européens des Télécom. Exit l'amendement 138.

Le 6 mars dernier, alors que s'annonçait le ré-examen du paquet Telecom en deuxième lecture, l'amendement 138 fut naturellement réintroduit dans le texte, par la rapporteuse du paquet Telecom elle-même : Catherine Trautmann. L'amendement porte désormais le numéro 46. La commission parlementaire a adopté le texte, dit rapport Stavros Lambrinidis à l'unanimité de ses 45 membres. Les motifs du rapport sont reproduits in extenso en notes, ci-dessous dans le 1er commentaire.

Le rapport Stavros Lambrinidis incluant l'amendement 138/46 a été adopté par le Parlement européen jeudi après-midi par 481 voix contre 25 et 21 abstentions.
Posant le principe que « garantir l'accès de tous les citoyens à Internet équivaut à garantir l'accès de tous les citoyens à l'éducation », il affirme par conséquent que « l'accès à Internet ne devrait pas être refusé comme une sanction par des gouvernements ou des sociétés privées. »

Plusieurs députés français ont tenté un dernier assaut contre cet amendement, en vain (voir la liste des votes).

Le rapport Stavos Lambrinidis n'est qu'une recommandation adoptée par le Parlement européen, à destination du Conseil européen qui souhaite réviser le droit européen des télécommunications. En ce sens, le texte adopté n'est pas opposable juridiquement au parlement ou au gouvernement français. Mais politiquement, c'est une autre histoire... Rendez-vous lundi, pour la suite des débats sur Hadopi à l'Assemblée nationale.

10 commentaires:

  1. Ci-dessous, considérant du rapport de Stavros Lambrinidis :

    A. considérant que l'évolution d'Internet prouve qu'il devient un outil indispensable pour promouvoir des initiatives démocratiques, un nouveau forum de débat politique (par exemple par le biais des campagnes électroniques et du vote électronique), un instrument capital au niveau mondial pour l'exercice de la liberté d'expression (par exemple, la rédaction de blogs) et pour le développement des activités commerciales, ainsi qu'un instrument favorisant l'acquisition de la culture informatique et la diffusion de la connaissance (apprentissage numérique); considérant qu'Internet a, d'autre part, créé un nombre croissant de possibilités pour des personnes de tout âge de communiquer entre elles à travers le monde et a ainsi développé des possibilités de se familiariser avec d'autres cultures et d'approfondir la compréhension d'autrui et la connaissance d'autres cultures; considérant qu'Internet a également étendu la diversité des sources d'information pour les individus, ceux-ci étant désormais en mesure de puiser dans le flux de nouvelles provenant des différentes parties du monde,

    B. considérant que les gouvernements ainsi que les organisations et institutions d'intérêt public doivent prévoir un cadre réglementaire adapté et les moyens techniques appropriés pour permettre aux citoyens de participer activement et efficacement aux procédures administratives grâce à des applications du gouvernement électronique,

    C. considérant qu'Internet donne toute sa signification à la définition de la liberté d'expression inscrite à l'article 11 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en particulier dans sa dimension "sans considération de frontières",

    D. considérant que la transparence, le respect de la vie privée et un climat de confiance entre les acteurs d'Internet devraient être considérés comme des éléments indispensables afin de bâtir pour Internet une vision sécuritaire durable,

    E. considérant que sur Internet, la liberté d'expression et la protection de la vie privée peuvent à la fois être renforcées et plus exposées à des intrusions et à des limitations de la part d'acteurs tant publics que privés,

    F. considérant qu'Internet, grâce à la liberté qu'il offre, est également utilisé comme une plateforme pour des messages violents tels que ceux qui incitent intentionnellement à des attaques terroristes ainsi que pour des sites qui peuvent en particulier inciter à des actes criminels reposant sur la haine et considérant que, de façon plus générale, les menaces liées à la cybercriminalité ont augmenté dans le monde et menacent les individus (y compris les enfants) et les réseaux,

    G. considérant que cette criminalité doit être combattue efficacement et avec détermination, sans altérer la nature fondamentalement libre et ouverte d'Internet,

    H. considérant que, dans une société démocratique, ce sont les citoyens qui sont habilités à observer et à juger quotidiennement les actions et les convictions de leur gouvernement et des sociétés privées qui leur fournissent des services; considérant que des techniques de surveillance technologiquement avancées, en l'absence parfois de garanties légales suffisantes prescrivant les limites de leur application, menacent de plus en plus ce principe,

    I. considérant que les individus ont le droit de s'exprimer librement sur Internet (par exemple, grâce à la création de contenus, aux blogs et aux réseaux sociaux) et considérant que les moteurs de recherche et les prestataires de services Internet ont facilité considérablement l'accès à l'information, notamment sur d'autres individus; considérant toutefois qu'il existe des situations dans lesquelles les individus souhaitent supprimer les informations contenues dans ces bases de données; considérant par conséquent que les sociétés doivent être en mesure de garantir que des individus peuvent obtenir la suppression de données à caractère personnel des bases de données;

    J. considérant que les bonds technologiques permettent de plus en plus une surveillance secrète et virtuellement non détectée, au niveau des personnes, des activités des citoyens sur Internet; considérant que la seule existence de technologies de surveillance ne doit pas automatiquement justifier leurs utilisations mais que l'intérêt supérieur de la protection des droits fondamentaux des citoyens devrait déterminer les limites et préciser les conditions dans lesquelles de telles technologies peuvent être utilisées par les pouvoirs publics ou des sociétés; considérant que la lutte contre la criminalité sur Internet et les menaces à l'encontre de la société démocratique ouverte exercées par certaines personnes et organisations utilisant Internet pour porter atteinte aux droits civils ne peuvent amener les États membres de l'Union à s'arroger le droit de procéder à l'interception et à la surveillance de l'ensemble du trafic de données circulant sur Internet et sur leur territoire, qu'elles concernent des ressortissants nationaux ou un trafic de données de l'étranger; considérant que la lutte contre la criminalité doit être proportionnée à la nature du délit;

    K. considérant que le vol d'identité et la fraude à l'identité sont un problème de plus en plus répandu que les autorités, les citoyens et les entreprises commencent seulement à reconnaître, ce qui implique de graves problèmes de sécurité en ce qui concerne l'utilisation intensifiée d'Internet pour toute une série de fins, dont le commerce et l'échange d'informations confidentielles,

    L. considérant qu'il convient de rappeler que, s'agissant de droits tels que la liberté d'expression ou le respect de la vie privée, des limitations à leur exercice peuvent être imposées par les pouvoirs publics si elles sont conformes à la législation et nécessaires, proportionnées et appropriées dans une société démocratique,

    M. considérant qu'il y a sur Internet un grand écart de pouvoir et de connaissances entre les sociétés et les organismes gouvernementaux, d'une part, et les utilisateurs individuels, d'autre part; considérant qu'il convient dès lors de lancer un débat sur les nécessaires limitations du "consentement", concernant à la fois ce que les entreprises et les gouvernement peuvent demander à un utilisateur de dévoiler et dans quelle mesure les individus doivent être tenus de renoncer à leur droit à la vie privée et à d'autres droits fondamentaux afin de recevoir certains services Internet ou d'autres privilèges,

    N. considérant que, étant donné sa nature globale, ouverte et participative, Internet est libre en règle générale mais qu'il importe néanmoins de se pencher (au niveau national et international ainsi que dans un cadre public et privé) sur la façon dont les libertés fondamentales des utilisateurs d'Internet ainsi que leur sécurité sont respectées et protégées,

    O. considérant que la série de droits fondamentaux qui sont affectés dans le monde d'Internet comprend, entre autres, le respect de la vie privée (y compris le droit de supprimer définitivement une empreinte digitale personnelle), la protection des données, la liberté d'expression, de parole et d'association, la liberté de la presse, l'expression et la participation politiques, la non-discrimination et l'éducation; considérant que le contenu de ces droits, y compris leur champ d'application et leur portée, le niveau de protection qu'ils garantissent, et l'interdiction d'abus de ces droits doivent être régis par les règles relatives à la protection des droits de l'homme et des droits fondamentaux garanties par les constitutions des États membres, les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, notamment la CEDH, les principes généraux du droit communautaire et la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et/ou par d'autres règles nationales, internationales et communautaires pertinentes, dans leurs domaines d'application respectifs,

    P. considérant que tous les acteurs impliqués et actifs sur Internet doivent assumer leurs responsabilités respectives et participer à des forums où des questions urgentes et importantes relatives à l'activité sur Internet sont débattues afin de tenter de promouvoir des solutions communes,

    Q. considérant que l'analphabétisme informatique sera l'analphabétisme du 21e siècle; considérant que garantir l'accès de tous les citoyens à Internet équivaut à garantir l'accès de tous les citoyens à l'éducation et considérant qu'un tel accès ne devrait pas être refusé comme une sanction par des gouvernements ou des sociétés privées; considérant que cet accès ne doit pas faire l'objet d'abus aux fins d'activités illégales; considérant qu'il est important de se pencher sur les questions émergentes telles que la neutralité des réseaux, l'interopérabilité, l'accessibilité globale de tous les nœuds d'Internet et l'utilisation de formats et de normes ouverts,

    R. considérant que la nature internationale, multiculturelle et, surtout, multilinguistique, d'Internet n'est pas encore pleinement sous-tendue par l'infrastructure technique et les protocoles du réseau mondial,

    S. considérant que, dans l'actuel processus devant conduire à une "charte Internet", il est important de tenir compte de toutes les recherches et initiatives pertinentes dans ce domaine, y compris les récentes études de l'Union sur la question(10) ,

    T. considérant que l'activité économique est importante pour la poursuite du développement dynamique d'Internet, tandis qu'il convient d'assurer la sauvegarde de son efficacité économique au moyen d'une concurrence loyale et de la protection des droits de propriété intellectuelle, comme étant nécessaires, proportionnés et appropriés,

    U. considérant qu'il convient de maintenir l'équilibre entre la réutilisation des informations du secteur public qui ouvre des possibilités sans précédent d'expérimentations et d'échanges créatifs et culturels et la protection des droits de propriété intellectuelle,

    V. considérant que, dans le monde entier, les entreprises du secteur de la technologie de l'information et des communications (TIC) subissent des pressions gouvernementales de plus en plus fortes visant à imposer le respect de la législation et de la politique nationales par des moyens qui risquent de porter atteinte à la liberté d'expression et au droit à la vie privée, qui sont des droits de l'homme internationalement reconnus; considérant que des mesures positives ont été prises, notamment par un groupe multi-acteurs constitué d'entreprises, d'organisations de la société civile (notamment d'associations de défense des droits de l'homme et de la liberté de la presse), d'investisseurs et d'universitaires, qui a instauré une approche fondée sur la collaboration, visant à protéger et à faire progresser la liberté d'expression et le droit à la vie privée dans le secteur de la TIC, et a mis en place à cette fin l'Initiative mondiale des réseaux (IMR)(11) ,

    W. considérant qu'une réglementation rigoureuse en matière de protection des données constitue une préoccupation majeure pour l'Union et ses citoyens et que le considérant 2 de la directive 95/46/CE relative à la protection des données affirme clairement que la technologie (c'est-à-dire les systèmes de traitement de données) "est au service de l'homme" et doit respecter "les libertés et droits fondamentaux […], notamment la vie privée, et contribuer au progrès économique et social, au développement des échanges ainsi qu'au bien-être des individus",

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  2. j'ai tout piqué ton commentaire...Bravo pour ce résumé

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  3. Pour Mister Lambrinidis:hip-hip-hip! .....
    Sarkosy est pas au bout de ses surprises
    si il croit que touts les maneuvresmarchent
    surprise bientot

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  4. Le Blog de Lihns, victime avant l’heure d’HADOPI ?

    http://orangesanguine.over-blog.com/article-29653521.html

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  5. Et voilà : il suffit que je m'intéresse à ce qui se passe au parlement français pour que ça bouge plus vite ai parlement européen. Voici ce que j'ai trouvé de plus récent pour compléter tes textes :

    http://www.zdnet.fr/actualites/telecoms/0,39040748,39389128,00.htm

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  6. Hadopi : Catherine Trautmann sommée de sauver l'amendement Bono

    Guillaume Champeau
    publié le Vendredi 17 Avril 2009 à 22h28
    83 commentaire(s)

    Le rejet de la loi Création et Internet le 9 avril dernier n'a pas arrangé l'image de la France dans les institutions européennes. En passe de perdre la course contre la montre qu'il livre contre l'amendement Bono, Nicolas Sarkozy a radicalisé ses positions et fait blocage à l'adoption du Paquet Télécom. Catherine Trautmann, qui a défendu jusqu'alors l'amendement anti-riposte graduée au nom du Parlement Européen, serait sur le point de céder. Ce que lui demande de ne pas faire Daniel Cohn-Bendit.

    En supprimant l'an dernier du Paquet Télécom l'amendement Bono qui avait été adopté en première lecture par 88 % des députés européens, au moment où il était encore Président de l'Union Européenne, Nicolas Sarkozy a engagé le Conseil de l'UE dans un bras de fer avec le Parlement Européen. Un conflit d'autant plus difficile à gérer à quelques semaines des élections européennes, une période où les eurodéputés ne veulent rien lâcher pour démontrer leur utilité aux électeurs.

    L'amendement Bono supprimé disposait qu'aucune "restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux (d'internet) ne doit être prise sans décision préalable de l'autorité judiciaire", ce qui interdisait de fait toute suspension de l'accès à Internet sur simple décision administrative.

    La loi Création et Internet étant alors prévue pour le début de l'année, Nicolas Sarkozy avait pour seule obsession de gagner du temps pour faire adopter sa loi avant que l'amendement européen ne fasse son retour en seconde lecture. Une fois la loi adoptée en France, la réintroduction de l'amendement n'aurait plus eu grande incidence politique, et seulement des conséquences juridiques à très long terme, puisqu'il aurait fallu attendre plusieurs années avant qu'une cour européenne sanctionne l'Hadopi au titre du Paquet Télécom.

    Mais c'était sans compter sur le retard pris par la discussion du projet de loi Création et Internet, qui a contraint les autorités françaises à durcir leur ligne et à retarder les négociations entre le Parlement Européen et le Conseil. Début avril, le Comité des Représentants Permanents (Coreper), qui réunit les diplomates des 27 états membres chargés de déminer les textes avant les décisions officielles du Conseil, avait avancé une proposition de conciliation suggérée par la France. L'amendement Bono pouvait être réintégré au Paquet Télécom, à condition de remplacer la référence à l'"autorité judiciaire" par les termes, beaucoup plus laxistes, d'autorité "légalement compétente". Le Coreper proposait également de faire de l'amendement Bono un considérant, qui n'a qu'une valeur interprétative, alors qu'un article doit être transposé en droit national par les Etats membres. Pour la France, cette double solution avait l'avantage de légaliser la sanction finale de l'Hadopi, qui est de nature administrative et non judiciaire, et de ne pas induire un nouveau débat sur la riposte graduée lors de la transposition du Paquet Télécom.

    Tout ça c'était avant le drame, bien sûr...

    Mais la rapporteure socialiste Catherine Trautmann (photo ci-contre) a catégoriquement refusé cette offre, estimant (par conviction et/ou par l'approche des élections) qu'il était de son devoir de protéger l'esprit de l'amendement voté par ses collègues eurodéputés. Lors d'une nouvelle réunion le soir du 7 avril, elle a proposé de remplacer "autorité judiciaire" par "tribunal indépendant et impartial", et de faire explicitement référence à l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, qui définit les conditions d'un procès équitable... notamment la présomption d'innocence, bafouée par l'Hadopi.

    Nouveau refus du Coreper, qui a fixé la date d'une ultime réunion au 21 avril.

    Or entre temps, patatras. Les députés français ont rejeté le 9 avril dernier la loi Création et Internet, mais Nicolas Sarkozy a obtenu que l'Assemblée le ré-examine au plus vite. Sauf que vacances parlementaires obligent, l'Hadopi ne sera ré-examinée à l'Assemblée que le 29 avril, c'est-à-dire une semaine après l'ultimatum fixé pour l'amendement Bono.

    La France, qui irritait déjà les négociateurs, a donc plus encore radicalisé sa position. Cette fois il n'est plus question de retarder le retour de l'amendement Bono, mais bien de le bloquer, contre l'avis du Parlement Européen. Catherine Trautmann, qui est en discussion constante avec les groupes parlementaires, est mise sous pression.

    Selon le calendrier prévu, le Coreper devait se réunir le 21 avril au matin pour tenter de débloquer la situation, avant le vote du rapport Trautmann le 21 au soir par la Commission IPRE (Industrie, Recherche et Energie) du Parlement Européen. Avec un délai aussi court, un accord de dernière minute sur une ultime formulation semblait cependant très improbable, certains fonctionnaires européens pointant du doigt la difficulté de traduire et d'analyser l'amendement en quelques heures. Il a donc été décidé d'avancer la réunion du Coreper au lundi 20 avril.

    Daniel Cohn-Bendit demande à Trautmann de sauvegarder l'amendement Bono

    Or selon les bruits de couloirs, Catherine Trautmann serait sur le point de céder aux pressions de la France. L'eurodéputé Daniel Cohn-Bendit, coprésident du Groupe des Verts/ALE, qui avait co-signé l'amendement Bono, s'est manifesté ce vendredi.

    "J'en appelle au courage politique de la rapporteure sur la Directive cadre du Paquet télécom Mme Catherine Trautmann afin qu'elle résiste aux pressions du Conseil qui vise à lui faire accepter un pâle succédané de l'amendement 138 adopté en première lecture par le Parlement européen en septembre 2008", a-t-il alerté dans un communiqué.

    Influent, l'eurodéputé estime que "les députés européen peuvent, dans un esprit de compromis, accepter une modification de l'amendement 138 (Bono, ndlr) à condition que celui-ci reste dans le corps du texte, et non dans les préambules, et à condition également que la notion de décision d'un tribunal préalablement à la sanction soit incluse, ainsi que le respect des droits fondamentaux des internautes à la liberté d'expression, d'information et d'éducation".

    Si aucun accord n'est trouvé, c'est l'ensemble du Paquet Télécom qui risque d'être repoussé de nombreux mois, puisque le vote en séance plénière est pour le moment maintenu au mois de mai... mais qu'ensuite viendront les élections qui pourraient redistribuer les cartes.

    Et tout ceci n'empêche pas Nicolas Sarkozy de proclamer que "Quand l'Europe veut, elle peut", dans son tract UMP pour les élections européennes.

    Source :
    Numerama

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