mardi 29 décembre 2009

Taxe carbone : les juges constitutionnels sur les pas de Ségolène Royal...


Je me désolais de n'avoir entendu que Ségolène Royal exprimer clairement ce que je pense au fond du projet de "taxe carbone" tel qu'on nous la mitonnait jusqu'ici : "écologiquement inefficace et socialement injuste" avait-elle lancé dès la première esquisse du projet de loi.

Ce soir, neuf Sages viennent de lui emboiter le pas, in extremis : le Conseil Constitutionnel vient de censurer l'ensemble des dispositions relatives à la taxe carbone. Les sages du Palais-Royal considèrent que l'ensemble des "exonérations, réductions, remboursements partiels et taux spécifiques" dépouillent la loi de son ambition de lutte contre le réchauffement climatique et créent "une rupture d'égalité devant les charges publiques". "Moins de la moitié des émissions de gaz à effet de serre aurait été soumise à la contribution carbone", en raison de ces multiples exemptions, selon les juges constitutionnels. [in Le Monde]

Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009
Loi de finances pour 2010

Le 29 décembre 2009, le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2009-599 DC, a statué sur la loi de finances pour 2010 dont il avait été saisi par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs. Les requérants contestaient la réforme de la taxe professionnelle à laquelle se substitue notamment une contribution économique territoriale. Ils contestaient également des dispositions relatives à la contribution carbone, au régime fiscal des indemnités journalières d’accident du travail, à la majoration de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants et à l’extension du revenu de solidarité active à certains jeunes de moins de vingt-cinq ans.

En premier lieu, en ce qui concerne l’institution de la contribution économique territoriale, le Conseil a rejeté l’ensemble des griefs formés par les requérants. (...)

En deuxième lieu, le Conseil a jugé que l’importance des exemptions totales de contribution carbone étaient contraires à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créaient une rupture d’égalité devant les charges publiques. Par voie de conséquence il a censuré l’ensemble du régime relatif à cette contribution (articles 7, 9 et 10). (...)

II – Contribution carbone.

L’article 7 de la loi instituait une contribution carbone. Les travaux parlementaires soulignaient que l’objectif de cette mesure est de « mettre en place des instruments permettant de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre » afin de lutter contre le réchauffement de la planète. Pour atteindre cet objectif, il a été retenu l’option « d’instituer une taxe additionnelle sur la consommation des énergies fossiles » afin que les entreprises, les ménages et les administrations soient incités à réduire leurs émissions.

Toutefois, les articles 7 et 10 de la loi instituaient des exonérations, réductions, remboursements partiels et taux spécifiques. Ainsi étaient totalement exonérées de contribution carbone les émissions des centrales thermiques produisant de l’électricité, les émissions des mille dix-huit sites industriels les plus polluants, tels que les raffineries, cimenteries, cokeries et verreries, les émissions des secteurs de l’industrie chimique utilisant de manière intensive de l’énergie, les émissions des produits destinés à un double usage, les émissions des produits énergétiques utilisés en autoconsommation d’électricité, les émissions du transport aérien et celles du transport public routier de voyageurs. En outre, étaient taxées à taux réduit les émissions dues aux activités agricoles ou de pêche, au transport routier de marchandises et au transport maritime.

Ces exemptions auraient conduit à ce que 93 % des émissions d’origine industrielle, hors carburant, soient exonérées de contribution carbone. Moins de la moitié des émissions de gaz à effet de serre aurait été soumise à la contribution carbone. Celle-ci aurait donc porté essentiellement sur les carburants et les produits de chauffage qui ne sont que l’une des sources d’émission de dioxyde de carbone. Pour les activités industrielles, ces exemptions n’étaient pas justifiées par le régime des quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne, ces quotas étant attribués à titre gratuit jusqu’en 2013.

Le Conseil a jugé que, par leur importance, les régimes d’exemption institués par la loi déférée étaient contraires à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créaient une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Il a, par voie de conséquence, censuré l’ensemble du régime relatif à la contribution carbone (articles 7, 9 et 10 de la loi de finances).

(...) »

Lire l'intégralité de la décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009
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8 commentaires:

  1. Trouvant la décision des Sages «sidérante», l’eurodéputé (Modem) Jean-Luc Bennahmias a mis en garde : «Cette histoire était certes mal barrée depuis le départ, plus personne n’y comprenait rien et il est vrai que la réforme exonérait une partie de la production d’énergie, notamment électrique, mais le mieux est souvent l’ennemi du bien.» L’ancien Verts a appelé à «remettre le dossier sur la table en faisant payer les vrais pollueurs».

    La secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, qui plaide pour «une vraie fiscalité écologique», la taxe carbone telle qu’envisagée par la droite n’étant, selon elle, «absolument pas à la hauteur des enjeux». Chef de file Europe Ecologie en Ile-de-France, elle recommande de «remettre l’ouvrage sur le métier» en vue d’une «contribution climat-énergie juste socialement, efficace écologiquement». Les Verts avaient précédemment dénoncé «la fumisterie de la taxe carbone version Sarkozy», «tarabiscotée, inefficace et inégalitaire».

    France Nature Environnement regrette une «décision catastrophique» qui met la taxe carbone «clairement à l’agonie». «C’est un très mauvais coup» dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, ajoute le porte-parole de FNE, Arnaud Gossement, cité par l’AFP. Spécialiste du droit de l’environnement, il pointe l’erreur qui consistait à «multiplier les exemptions»: «il n’y a aucune raison valable de sortir l’électricité du dispositif et notamment les centrales thermiques», exonérées de taxe alors qu’elles sont très émettrices de CO2, notamment pour celles fonctionnant au charbon.

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  2. Quant au président centriste de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, il relève, dans un entretien au Parisien/Aujourd’hui de mercredi, que «la France a mal préparé l’arrivée» de la taxe carbone, cherchant, avant le sommet de Copenhague à passer pour «pionnière en la matière». «Il aurait fallu qu’on en discute avec nos voisins», a prôné l’ancien ministre.

    Dressant un parallèle entre l’«inefficacité écologique qui apparaît sur la taxe carbone» et celle que Nicolas Sarkozy «a déployée à Copenhague», la secrétaire nationale du PS à l’environnement Laurence Rossignol confirme, évoquant «la sanction d’une méthode de travail qui consiste à faire tout à la va-vite et par une série d’effets d’annonce». D’autant que cette taxe, à en croire le porte-parole du PS, Benoît Hamon, qui la qualifie de «taxe Canada dry», «a les couleurs d’une fiscalité écologique» mais «n’en était pas une».

    Prenant du champ, Martine Aubry, insistant au passage sur un «revers majeur pour Nicolas Sarkozy», appelle le gouvernement à «tirer les conséquences de ce nouveau fiasco» et à «présenter un dispositif à la fois juste et efficace».

    Divisés depuis la charge de Ségolène Royal, cet été à la Rochelle, contre le projet carbone, un impôt «injuste», voire «insupportable» selon elle, les socialistes semblent désormais tomber d’accord pour saluer la décision du Conseil constutionnel. De la présidente de Poitou-Charentes qui s’est réjouie de cette «bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat des Français et contre la pression fiscale intolérable exercée par le gouvernement», au chef de file des députés PS, Jean-Marc Ayrault qui y voit «le résultat inévitable d’une réforme inégalitaire, inefficace et mal conçue».

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  3. Christophe Madrolle salue la décision du Conseil constitutionnel de « recaler en l’état la taxe carbone qui était profondément injuste et contraire aux objectifs recherchés de réduction des émissions de CO2».

    « C’est une victoire contre les lobbies et parlementaires à leurs bottes qui avaient œuvré pour introduire dans le texte d’importantes exemptions, notamment pour des activités les plus polluantes comme l’aviation ou le nucléaire. » précise le délégué national du MoDem qui dénonce par ailleurs « une hypocrisie généralisée en France où l’on veut nous faire croire que les groupes de pression n’existent pas. Quand déciderons-nous enfin à prendre à bras le corps la question du lobbying ? La pratique des lobbies introduit un biais qui fausse les principes démocratiques au point de les dénaturer. Je rappelle aux parlementaires qu’ils ont été élus pour servir l’intérêt général et non œuvrer pour des intérêts particuliers. »

    Pour Christophe Madrolle : « le lobbying doit être combattu et contrôlé. C’est un enjeu citoyen dans lequel le Mouvement Démocrate est pleinement engagé. »

    Communiqué de presse - 30/12/09

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  4. Jean-Luc Bennahmias a estimé mardi, après l'annulation de la réforme de la taxe carbone par le Conseil constitutionnel, qu'il fallait "remettre le dossier sur la table en faisant payer les vrais pollueurs".

    Le Conseil constitutionnel a annoncé mardi avoir annulé la taxe carbone qui devait entrer en vigueur le 1er janvier, estimant que la loi crée trop d'exemptions, ce qui est "contraire à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique" et crée une inégalité face à l'impôt. Selon les sages du Palais Royal, les exemptions prévues dans la réforme auraient "conduit à ce que 93% des émissions d'origine industrielle, hors carburant, soient exonérées de contribution carbone".



    "Cette décision est sidérante", a réagi Jean-Luc Bennahmias, en ironisant sur le fait que "l'on trouve toujours plus écolo que soi". "Cette histoire était certe mal barrée depuis le départ, plus personne n'y comprenait rien et il est vrai que la réforme exonérait une partie de la production d'énergie, notamment électrique, mais le mieux est souvent l'ennemi du bien", a-t-il ajouté. La réforme créait "un schéma a minima", estime-t-il.

    "Maintenant, il faut remettre le dossier sur la table en faisant payer les vrais pollueurs", a-t-il affirmé.

    Concernant la notion d'inégalité face à l'impôt de la réforme soulignée par les sages, l'eurodéputé a déclaré : "si le Conseil constitutionnel voulait s'attaquer aux impôts inégalitaires, il pourrait également s'en prendre à la TVA".

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  5. François Bayrou a estimé mercredi que la réforme de la taxe carbone, "censurée" par le Conseil constitutionnel "parce qu'elle était partiale et injuste", est une "parfaite illustration de la méthode" de gouvernement de Nicolas Sarkozy.

    "Partiale puisqu'elle épargnait complètement la consommation d'électricité, même lorsqu'elle était produite par des centrales thermiques, à partir du gaz aux heures de pointe" et "injuste puisqu'elle était presque exclusivement dirigée vers les ménages et qu'elle épargnait les plus gros pollueurs", a-t-il détaillé.

    Elle était également injuste "puisqu'on prétendait la rembourser de manière identique aux plus pauvres et aux plus aisés, sans même regarder s'ils étaient obligés, par exemple par leur travail ou leur domicile, de consommer du carburant", a-t-il ajouté.

    Pour François Bayrou, cette réforme "est une parfaite illustration de la méthode de Nicolas Sarkozy". "On gouverne par effets d'annonce, sans réfléchir, de manière désordonnée, sans prendre en compte les conséquences, ni même le droit. Et donc, en définitive, on ne conduit aucune réforme en profondeur et à son terme", a-t-il expliqué.

    Il s'est également dit convaincu que l'idée de la taxe carbone "s'imposera", mais à condition "qu'elle soit générale, en frappant les gros consommateurs et pas seulement les plus petits, et qu'elle soit juste, en affirmant le principe que s'il doit y avoir compensation, cette compensation soit dirigée vers ceux qui en ont le plus besoin pour vivre".

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  6. Corinne Lepage avait approuvé la taxe carbone sans trop de nuance...

    On peut appeler appeler ça du rétro-pédalage :-)

    Corinne Lepage : "Je suis partagée car je suis à la fois une partisane de la taxe carbone mais aussi d'une certaine justice. J'avais salué l'initiative de Nicolas Sarkozy mais il faut bien le dire, le dispositif était très mal ficelé. En particulier, j'avais trouvé dommage que l'électricité ne soit pas incluse dans cette contribution carbone."

    _ _ _

    J'ajoute que je suis en désaccord total avec la taxation de l'électricité. L'électricité n'est pas une source d'énergie mais un vecteur d'énergie. En particulier, l'électricité est aujourd'hui le seul vecteur d'énergie possible des énergies renouvelables : hydraulique, solaire, éolien, géothermie, etc.

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  7. Que vous inspire la décision du conseil constitutionnel?

    Je suis partagée car je suis à la fois une partisane de la taxe carbone mais aussi d'une certaine justice. J'avais salué l'initiative de Nicolas Sarkozy mais il faut bien le dire, le dispositif était très mal ficelé. En particulier, j'avais trouvé dommage que l'électricité ne soit pas incluse dans cette contribution carbone.

    La décision du conseil constitutionnel est justifiée. D'une certaine manière, il a voulu dire au gouvernement: 'Ok pour lutter contre les émissions de CO2 mais cette taxe doit être efficace et doit respecter le principe d'égalité'. Il y avait un aspect cosmétique autant que symbolique mais le Conseil constitutionnel dit au gouvernement: 'Vous ne pouvez pas tricher'.

    Que préconisez-vous pour le nouveau dispositif? Les entreprises doivent-elles être davantage taxées?

    Dans la nouvelle version de la taxe carbone, il faut inclure l'électricité. Le gouvernement doit revoir sa copie et justifier chaque exemption. Par exemple, pour les pêcheurs, le gouvernement doit expliquer pour quelles raisons ils seraient exemptés. Idem pour les différences de traitement entre habitants des zones urbaines ou rurales.

    Concernant les entreprises, il faut trouver un système équilibré avec les quotas d'émission de gaz à effet de serre car une entreprise ne va pas payer deux fois, en contribuant à la fois à la taxe carbone et à ces quotas.

    Mais si on veut une industrie française qui soit compétitive et qui émette moins de carbone, le gouvernement doit inciter les entreprises à innover dans l'économie sobre en leur forçant un peu la main. La fiscalité écologique doit concerner tout le monde et ne doit pas reposer essentiellement sur les ménages.

    Est-ce "un échec majeur pour Nicolas Sarkozy", comme l'a notamment déclaré Martine Aubry?

    J'essaie de ne pas rentrer dans la politique politicienne et de plutôt oeuvrer à l'intérêt général. Il est logique que le PS ait cette attitude là car c'est le Parti socialiste qui avait saisi le Conseil constitutionnel sur le projet de loi de Finances 2010.

    Une certitude: ce n'est vraiment pas un succès pour l'Elysée car c'est un élément phare sur lequel Nicolas Sarkozy s'était impliqué. Mais il faut relativiser: le Conseil constitutionnel n'a pas remis en cause le principe de la taxe carbone mais plutôt ses modalités.

    Pensez-vous que le texte du gouvernement était mal préparé?

    Comme souvent, le Président lance une idée et après, il dit au Parlement et au gouvernement: 'Démerdez-vous!'. Le rapport de Michel Rocard, qui était assez bien construit, n'a malheureusement pas été suivi par le gouvernement.

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  8. Pierre,
    C'est vrai que l'on ne construit pas une nouvelle fiscalité écologique dans la précipitation.

    Mais tout semble être fait actuellement sans véritable réflexion de fond et cela donne une impression de brouillon.

    De nombreuses parsonnes étaient d'accord avec le principe de donner un coût au CO2.

    Le rapport Rocard était très clair, même si je ne partage pas l'analyse de Rocard sur l'électricité (point ne figurant pas dans le rapport).

    Les sages ont trouvé que finalement ce sont presque exclusivement les ménages qui allaient payer cet impôt, ce qui est une grosse injustice.

    Il faut donc repenser la fiscalité écologique. Cependant, Matignon s'est déjà lancé dans une course à la perception de ce nouvel impôt puisqu'il souhaite remettre une nouvelle mouture pour le prochain conseil des ministre de janvier.

    La leçon ne semble donc pas porter ses fruits.

    dominique

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