Jamais le contraste entre La Marseillaise et l'Ode à la joie ne m'était apparu aussi clairement.
Le premier hymne, guerrier et sanguinaire, est l'héritage de la patrie et de la formation de notre État-Nation. Il fut composé par Rouget de Lisle à Strasbourg, dans la nuit du 25 au 26 avril 1792 juste après la déclaration de guerre à l'Autriche. Il portait initialement le nom de Chant de guerre de l'armée du Rhin... Tout un programme. Les Fédérés de Marseille l'ayant fait connaître aux Parisiens les premiers, le Chant de guerre de l'armée du Rhin devint La Marseillaise.
Le second hymne, tiré de l'Hymne à la joie de la Neuvième symphonie de Beethoven souffre d'un curieux défaut : c'est un hymne sans paroles. Ni le Conseil de l'Europe qui l'avait adopté dès 1971, ni les traités de l'Union européenne ne font référence à l'Ode à la joie de Schiller composée en 1785, sept ans avant la Marseillaise, puis mise en musique par Beethoven en 1824.
L'Ode à la joie de Schiller est évidemment aux antipodes du chant guerrier de Rouget de Lisle, mais elle est émaillée de quelques références mythologiques ou religieuses qui en auraient amoindri la portée universelle. D'où cet hymne européen muet.
Il circule bien plusieurs versions de textes plus laïcs, plus éloignés du livret de la Neuvième symphonie, mais la greffe n'a jamais prise... Aucune de ces propositions nouvelles n'a été officiellement adoptée, ni dans les versions retenues par le Conseil de l'Europe, ni dans les symboles des Traités de l'Union européenne.
S'il fallait revenir sur le texte de l'Hymne à la joie, celui de Ludwig van Beethoven, je retiendrais pour la mettre en exergue la dernière strophe, celle du dialogue des voix solos, déchirant, juste avant la coda du final :
Alle Menschen werden Brüder
Wo dein sanfter Flügel weilt.
Le deuxième vers est tiré du texte original de Schiller.
Mais le premier vers est de la main de Beethoven lui-même.
Il remplace un autre vers de Schiller qui semblait ne pas convenir à Beethoven et qui disait : « Bettler werden Fürstenbrüder » c'est-à-dire Les mendiants seront frères avec les Princes. Le nombre de pieds et la rime sont identiques. On peut donc se demander pourquoi Beethoven a modifié ce vers de Schiller ? Avait-il déjà lui-même une vision plus universelle de ce texte ?
Alors pourquoi ne pas reprendre le texte de Beethoven, et ce texte seulement, pour l'hymne européen ? L'aile protectrice dont il est question pourrait bien être celle de l'Europe !
L'Ode à la Joie de Schiller avec parties de Beethoven
RépondreSupprimerTraduction française
Mes amis, cessons nos plaintes !
Qu'un cri joyeux élève aux cieux nos chants
de fêtes et nos accords pieux !
Joie ! (cette partie est de Beethoven)
Joie ! Belle étincelle des dieux
Fille de l'Élysée,
Nous entrons l'âme enivrée
Dans ton temple glorieux.
Tes charmes relient
Ce que la mode en vain détruit ;
Tous les hommes deviennent frères
(ces deux derniers vers sont de Beethoven l'original de Schiller étant:
Ce que l'épée de la mode sépare;
Les mendiants seront frères avec les princes)
Là où tes douces ailes reposent.
Que celui qui a le bonheur
D'être l'ami d'un ami ;
Que celui qui a conquis une douce femme,
Partage son allégresse !
Oui, et aussi celui qui n'a qu'une âme
À nommer sienne sur la terre !
Et que celui qui n'a jamais connu cela s'éloigne
En pleurant de notre cercle !
Tous les êtres boivent la joie
Aux seins de la nature,
Tous les bons, tous les méchants,
Suivent ses traces de rose.
Elle nous donne les baisers et la vigne,
L'ami, fidèle dans la mort,
La volupté est donnée au ver,
Et le chérubin est devant Dieu.
Heureux, tels les soleils volent
Sur le plan vermeil des cieux,
Courrez, frères, sur votre voie,
Joyeux, comme un héros vers la victoire.
Qu'ils s'enlacent tous les êtres !
Un baiser au monde entier !
Frères, au plus haut des cieux
Doit habiter un père aimé.
Tous les êtres se prosternent ?
Pressens-tu le créateur, Monde ?
Cherche-le au-dessus des cieux d'étoiles !
Au-dessus des étoiles il doit habiter.
Joie ! Belle étincelle des dieux
Fille de l'Élysée,
Soyez unis êtres par million !
Qu'un seul baiser enlace l'univers !
Pierre,
RépondreSupprimerAu risque que l'on nous accuse de nous congratuler mutuellement :-), je salue cette réflexion de ta part.
L'Europe a besoin de revoir ses institutions et son fonctionnement mais également ses symboles.
Son hymne en est un. Personnellement j'irais jusqu'à revoir son drapeau car celui ci a été bonnement plagié au Conseil de l'Europe ;-)
Entre temps, vu la confusion rajoutée à la confusion, c'est le Conseil de l'Europe qui a cédé et qui a changé le sien .. enfin.. plus ou moins car il a juste rajouté un grand E dessus, les codes couleurs étant restés presque les mêmes. En effet, le E est vert (jaune+bleu)
Ca manque drôlement de couleur terre pour que ça soit équilibré :-)
Une touche d'orangé peut-être? ;-)
Ps: Au fait tu aurais pu faire un chti lien sur youtube pour l'Hymne à la Joie.
Te propose celui là : http://www.youtube.com/watch?v=xpcUxwpOQ_A
Bon pour ceux qui n'aiment pas la version ci dessus de l'hymne à la Joie, il y a celle ci aussi avec des commentaires de Leonard Bernstein en préalable en faisant l'éloge (enfin je crois suis pas anglophone :-):
RépondreSupprimerhttp://www.youtube.com/watch?v=nZJ1Tgf4JL8
Excellente, cette version Muppet pour hirsutes orangés :-)
RépondreSupprimerJuste pour information, le drapeau européen a été conçu par Arsène Heitz, que le membre du réseau Alcibiade que je suis a eu l'honneur de rencontrer.
RépondreSupprimerhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Ars%C3%A8ne_Heitz
Arsène, avait retenu (contrairement à ce que dit sa fiche sur wikipedia) 12 étoiles d'or symbolisant les 12 qualités de l'Homme.
Euh pour les énumérer par contre...
Merci pour cette info, Alcibiade.
RépondreSupprimerJ'ignorais qu'un peintre alsacien, Arsène Heitz, avait participé aux derniers ajustements graphiques du drapeau du Conseil de l'Europe.
La notice Wikipedia de M. Heitz mentionne une référence religieuse... C'est très bizarre car il semblait déjà acquis que le symbole représenterait une couronne d'étoiles (selon la notice Wikipedia du Drapeau européen) et il restait à en déterminer le nombre, simple et harmonieux.
Douze, c'est un nombre souvent repris dans nos références culturelles et anthropologiques, disons : dans la division du temps, les 12 constellations du zodiaque ont donné les douze mois de l'année, les 12 travaux d'Hercule, 12 fois 5 minutes (étoiles à 5 branches) égale une heure. Le chiffre 12 admet un grand nombre de diviseurs, plus que 10 ou 15 : 2, 3, 4, 6.
Donc pas sûr qu'il faille chercher une interprétation particulière dans le choix de ce nombre.
t'es nul
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RépondreSupprimerOn peut supposer que Beethoven a modifié ce vers car il portait en lui une haine contre les princes qui ne le voyaient pas à sa juste valeur selon lui.
RépondreSupprimerEnsuite, il faut savoir que si Beethoven a mis en musique ce texte de Schiller, c'est pour une raison hautement révolutionnaire, puisqu'en fait l'Ode à la Joie était chantée en Allemagne sur l'air de Marseillaise, à une époque où les paroles de la Marseillaise étaient interdites par le pouvoir en place...