mercredi 6 janvier 2010

Bonne année 2010, sans les "idiots", si c'est possible...

Lundi soir, Emmanuel Todd résumait la décennie 2000-2010 par cette formule lapidaire :
« Classe dirigeante : les idiots sont de retour... ».

Hélas, 2010 semble commencer comme 2009 s'est achevée, avec des 'classes dirigeantes' à côté de leurs pompes. Après le fiasco de Copenhague et le retoquage de la taxe carbone par le Conseil constitutionnel*, le ministère de la santé tente de se débarrasser de 50 millions de doses du vaccin anti-H1N1**, commandés il y a 6 mois à peine et de 2 milliards de masques, périssables...

Une facture de 2 milliards d'euros...
Bienvenue chez les shadoks !

C'est l'ordre démocratique qui est interpelé. Où nous mène l'urgence climatique, sinon dans le fossé de Copenhague ? Où nous mènent les peurs orchestrées par les politiques et les médias, sinon à des dépenses inconsidérées du denier public ?

Et si en 2010, on cessait de confondre :
  • l'information et la communication,
  • l'argumentation et la manipulation,
  • la sécurité publique et la vidéo-surveillance,
  • la réflexion de fond et l'agitation de surface,
  • l'action responsable, déterminée et la précipitation,
  • la démocratie et le cirque médiatique, etc.
Cerise sur le gâteau de la nouvelle année, cette petite annonce parue aujourd'hui dans un journal local à Strasbourg :

Vend six scanners de corps, neufs,
Acquis en 2002, suite aux attentats du 11 septembre,
Jamais servi, prix : 720.000 euros,
S'adresser au Parlement européen de Strasbourg.


* : on apprend ce soir que Laurence Parisot, présidente du MEDEF, demande une étude d'impact sur la taxe carbone avant sa mise en œuvre... C'est bien le moins !
** : rappelons ici que, comme chaque année, il est recommandé aux personnes à risque d'aller se faire vacciner contre la grippe.

4 commentaires:

  1. J'adhère...!
    Bonne année à toi et à la prochaine!

    RépondreSupprimer
  2. Professeur titulaire de la chaire d'hygiène et de sécurité du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), William Dab a été directeur général de la santé entre 2003 et 2005, avant de démissionner pour divergences avec le ministre Philippe Douste-Blazy. Epidémiologiste, fondateur dans les années 1980 des groupes régionaux d'observation de la grippe, maître d'œuvre du premier plan contre la pandémie grippale dans la foulée de l'épisode du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS, 2003), il commente la gestion de l'actuelle pandémie.

    Les choix du gouvernement en matière de lutte contre la grippe A(H1N1) sont critiqués, et les Français n'ont pas plébiscité la vaccination. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

    Il faut d'abord reconnaître que ce type de menace est difficile à gérer. La seule chose constante avec le virus de la grippe est son imprévisibilité. Dès lors, on fait face à de grandes incertitudes sur la réalité du risque, son ampleur ou l'efficacité des moyens de prévention. En sécurité sanitaire, l'inquiétude est plus créée par l'incertitude que par le niveau de risque. Le paramètre-clé de la gestion est la confiance. Celle-ci ne se décrète pas, elle se gagne.

    Y a-t-il eu déficit démocratique ?

    Une pandémie de cette nature ne relève pas d'une approche purement scientifique. La mobilisation de la société appelle un sentiment d'adhésion qui ne peut venir que d'un processus démocratique. Je pense qu'il a manqué des instances de débat sur les incertitudes et leurs implications. La procédure existe pourtant, créée par la loi de santé publique de 2004, c'est la Conférence nationale de la santé : un Parlement de la santé dont le président est élu, qui réunit les associations, les professionnels de santé, l'industrie, les chercheurs... Les grands choix stratégiques sur la vaccination par exemple, auraient pu lui être soumis, cela aurait renforcé la confiance, la légitimité des décisions.

    Quand la science et la médecine ne disent pas tout, il y a forcément des zones d'ombre qui doivent être argumentées pour donner du sens. Pourquoi la France est-elle restée au stade 5A de l'OMS ? Pourquoi réserver l'utilisation du Tamiflu en octobre, mais le généraliser en décembre ? Pourquoi les femmes enceintes bénéficient-elles d'un vaccin sans adjuvant, si celui-ci est sans danger ? Pourquoi la vaccination en centres serait-elle plus efficiente ? Ces questions sont de bon sens. Les réponses sont complexes et, si elles ne sont pas débattues publiquement, la population a l'impression, peut-être à tort, que toutes les alternatives n'ont pas été explorées.

    La communication des pouvoirs publics est fortement mise en cause. Qu'en pensez-vous ?

    Dans un pays inquiet, la tentation est compréhensible de transformer l'incertitude en certitude. Nous restons organisés de façon napoléonienne avec l'idée que l'Etat doit savoir, car sinon ce sera la panique. En réalité, c'est l'inverse, en procédant ainsi, les citoyens croient qu'on cherche à leur imposer une vérité, ils sont méfiants. Il faut considérer les Français en adultes responsables. Depuis Tchernobyl, on sait qu'il est contre-productif de masquer les doutes.

    (...)

    RépondreSupprimer
  3. (...)

    Le choix de donner la main au ministère de l'intérieur, et non à celui de la santé, était-il justifié ?

    Jusqu'à la fin de l'été, le dispositif était lisible et adapté, conforme aux recommandations de l'OMS. Le plan de lutte contre la grippe, élaboré depuis 2005 sur la base du risque de grippe aviaire, prévoit que tant que l'épidémie se limite à la sphère sanitaire, c'est au ministère de la santé de la gérer. Ce n'est que si son impact est plus global que le ministère de l'intérieur prend le leadership. Or jusqu'à présent, l'impact est minime et les médecins n'acceptent pas d'être aux ordres du ministère de l'intérieur. Dans d'autres pays, les services de santé sont assez forts et il n'est pas nécessaire de mobiliser le ministère chargé de la police.

    Le gouvernement procède à la revente d'une partie des stocks de vaccin. A-t-il eu tort de commander 94 millions de doses ?

    Il s'agit d'une mauvaise querelle. Au moment de la commande, en juin-juillet, il était assez logique de se mettre en position de pouvoir vacciner toute la population, partant sur l'hypothèse de deux doses nécessaires à une bonne efficacité. N'importe quel ministre aurait pris cette décision, étant donné la grande incertitude dans laquelle nous étions à l'époque.

    Nous trouvons-nous face aux excès du principe de précaution ?

    Pas du tout. Ce principe constitutionnel impose avant tout une évaluation des risques pour réduire les incertitudes. Il ne constitue en rien une surenchère. En France, le débat est compliqué par la succession d'échecs de sécurité sanitaire (sida, vache folle, hormone de croissance, canicule...), qui ont engendré une défiance de l'opinion et une logique de rachat chez les politiques. Tous les pays ont dû gérer des problèmes de transmission du sida par transfusion sanguine, mais nous sommes le seul à avoir envoyé un ancien premier ministre en justice pour ce motif (Laurent Fabius devant la Cour de justice de la République, relaxé en 1999) ! En matière de sécurité sanitaire, entre l'Etat et la société, il y a une forme d'immaturité.

    Un autre dossier a valeur de modèle : la vaccination contre l'hépatite B. A la fin des années 1990, plus de 20 millions de personnes ont été vaccinées, la majeure partie en dehors de la cible prioritaire. Avec l'apparition d'incertitudes sur des effets secondaires possibles de ce vaccin chez les adultes, les pouvoirs publics ont rétrogradé et laissé les médecins en première ligne face à leurs patients, en leur renvoyant la responsabilité de recommander ou non le vaccin. La confusion s'est installée. Dix ans après, elle persiste comme un non-dit. Les professionnels de santé restent méfiants quand une politique vaccinale semble inspirée par des motifs politiques. Cet abcès devra être crevé.

    Quelles leçons tirer de la crise ?

    C'est trop tôt pour le dire. Tout reste possible, y compris le pire, même si ce n'est pas le plus vraisemblable. L'épidémie reflue aujourd'hui en France. Pour la deuxième fois (après la vache folle), nous avons la chance que ce soit le scénario favorable qui se réalise. Il faut savoir saisir cette opportunité pour s'interroger sur notre modèle de sécurité sanitaire et de gestion de crise. Les épidémies amplifient les forces et les faiblesses du lien social, elles menacent de faire ressurgir les préjugés les plus irrationnels. Il faut rappeler que le risque n'est pas la catastrophe, c'est son anticipation. Il force à se rappeler que la protection de la santé n'est pas qu'une affaire individuelle, mais avant tout une question sociale qui appelle un débat démocratique.

    Propos recueillis par Laetitia Clavreul et Cécile Prieur

    RépondreSupprimer
  4. J'ai exactement le même sentiment que toi.

    Pourtant, il me semble que si on ne veut pas faire parti de la catégorie des idiots qui sont sûrs d'eux même, il faut justement composer avec les idiots qui sont sûrs d'eux même.

    L'humanité est un tout. Maintenant, il faut trouver la methode la plus efficace pour qu'au final on avance, même avec les idiots qui sont sûrs d'eux même...

    RépondreSupprimer