dimanche 4 octobre 2009

Pourquoi il semble raisonnable de fermer Fessenheim

Je ne suis pas "anti-nucléaire" -- anti-rien-du-tout à vrai dire, je préfère penser avec ma tête plutôt qu'avec mes cornes. Même pas anti-Sarko, na.

Pour cette raison, je n'ai pas participé à la manifestation d'hier à Colmar, sous la bannière "Sortir du nucléaire". Pour autant, j'estime que l'Alsace doit exiger la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim -- en photo. Voici pourquoi :

  • Fessenheim est la plus ancienne des centrales nucléaires encore en activité. Mise en service en 1977, la durée de vie de la centrale était estimée à 25 ans... La longévité des réacteurs nucléaires n'étant pas éternelle, Fessenheim devrait être, en toute logique, la prochaine centrale à cesser son activité, comme doyenne des centrales en activité et après 32 ans de bons et loyaux services.

  • Fessenheim est la plus petite des centrales nucléaires française. Deux réacteurs de moins de 900 MW dont la disponibilité n'atteint même plus 60%, en raison de leur vétusté ! Les centrales les plus récentes sont configurées avec 4 réacteurs de 1.300 MW et leur disponibilité est bien meilleure. La gestion des risques extérieurs (sismique ou attentat) recommande de réduire le nombre de sites, alors autant fermer les sites les moins productifs en priorité, au premier rang desquels figure Fessenheim.

  • Fessenheim ne couvre plus que 1,5% de la production d'électricité en France, en raison de la faible puissance de ses réacteurs et de sa vétusté. C'est 5 fois moins que la quantité d'électricité exportée par la France chaque année ! La fermeture de Fessenheim serait donc sans conséquence sur notre capacité à couvrir nos besoins hexagonaux.

  • Fessenheim est la centrale nucléaire française la plus exposée aux risques sismiques. Ce risque est aggravé par une anomalie de conception : le plancher du réacteur est situé plusieurs mètres en dessous du niveau du canal du Rhin qui la refroidit. Le risque sismique est donc aggravé par un risque d'inondation, par rupture des berges du canal et contamination massive du Rhin.


Si la fermeture de Fessenheim est une évidence pour un grand nombre d'élus locaux, l'exploitant EDF semble vouloir prolonger la vie de la centrale pour 10 années supplémentaires -- la visite décennale débute en 2010...

Au delà des rapports d'experts, la volonté politique sera-t-elle au rendez-vous pour faire de Fessenheim le 1er site expérimental de démantèlement, à l'échelle de l'Union européenne ?

La bonne évaluation des risques technologiques et de leurs conséquences environnementales, sur l'ensemble de leur cycle de vie "du berceau à la tombe" est devenue une exigence impérative pour décider démocratiquement de notre avenir énergétique.

Le démantèlement de Fessenheim serait de ce point de vue une formidable opportunité pour EDF et pour l'Alsace.
  • Pour EDF en démontrant son savoir faire en matière de démantèlement - et le marché du démantèlement est énorme !
  • Pour l'Alsace en relevant ce défi technologique sans précédent - le démantèlement lui-même -, assorti d'un défi environnemental, en compensant intégralement les coûts carbone de ce démantèlement (reboisement, réduction du CO2) et d'un défi énergétique en transférant intégralement les capacités de production perdues vers des énergies renouvelables adaptées à l'Alsace : filière bois, géothermie, solaire.
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8 commentaires:

  1. Ouais,

    Je fais le même raisonnement avec ma voiture. J'ai 100 raisons de la changer et pourtant...je lui tire encore dessus. En plus, je suis loin d'être le seul à en faire autant.

    Comme quoi, EDF doit être probablement dirigé par un Français.

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  2. a defaut d'etre anti nucleaire vous etes pro nucleaire ; alors dites moi ou vous stockez les dechets de fessenhaim depuis 32 ans ???ou sont ils ces dechets?? a nos enfants!!!!

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  3. Sur le sujet du vieillissement des centrales nucléaires, voir le dossier de l'ASN http://www.asn.fr/la-poursuite-d%E2%80%99exploitation-des-centrales-nucleaires qui fait état des études en cours pour amener les centrales PWR américaines (les soeurs de celle de Fessenheim) à... 80 ans, ce dont on peut conclure que les deux centrales de Fessenheim ne sont pas vraiment en fin de vie, et qu'il serait dommage de s'en priver prématurément, d'autant plus que les systèmes de remplacement (dont l'EPR) sont apparemment plus couteux.

    En ce qui concerne le démantèlement, il existe déjà un chantier exemplaire, en Bretagne, c'est la centrale de Brennilis, chantier arrèté depuis deux ans suite à un recours de... sortir du nucléaire. (voir http://fr.wikinews.org/wiki/France_:_D%C3%A9mant%C3%A8lement_de_la_centrale_nucl%C3%A9aire_de_Brennilis_en_suspens ). Ceux qui bloquent le démantèlement de Brennilis (centrale arrètée en 1985) sont ils crédibles pour proposer celui de Fessenheim, ou bien ne s'agit-il que d'une maneouvre pour faire croire que l'arrêt de la centrale n'aurait pas de conséquences économiques négatives en Alsace?

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  4. Fessenheim
    Le MoDem et CAP21 demandent la fermeture

    « On a dépassé la durée de vie de la centrale de Fessenheim fixée par le concepteur lui-même », clame Christian Rubechi pour CAP 21. « Il est temps d’arrêter de dépenser autant d’argent pour un site vétuste », insiste Hubert Ott, président de la section du MoDem Colmar-Rhin-Vosges. Le MoDem, et ses alliés politiques, ont décidé de s’inscrire dans le débat anti-nucléaire en affirmant qu’ il « ne porte plus sur la fermeture de la centrale, mais sur la date de fermeture ».

    Selon Odile Uhlrich-Mallet, présidente du MoDem 68, le débat devrait désormais porter sur la politique énergétique française : « le choix d’un arrêt et donc d’un démantèlement est une opportunité économique non négligeable pour la France ».

    Le MoDem préconise avec force la reconversion du site. « C’est trop dangereux pour que ce soit bricolé », selon Yveline Moeglen, porte-parole nationale de CAP 21. « Nous avons la possibilité de devenir un vrai symbole en transformant Fessenheim en un laboratoire », ajoute la porte-parole de CAP 21. Un débat qui dépasse largement les frontières alsaciennes et qui met en cause la politique française en la matière : « En termes de stratégie, EDF-Fessenheim enverrait un signal fort en entamant une procédure de démantèlement », explique Andrée Munchenbach, conseillère générale MoDem du Bas-Rhin.

    Sortir du nucléaire est une affaire de volonté politique. Le thème pourrait être un des axes de la campagne des prochaines élections régionales : « l’affaire Fessenheim n’est pas directement compétence régionale, mais soutenir les autres énergies renouvelables oui ». Pour le MoDem, développer les énergies alternatives rendra plus facile la décision de sortir du nucléaire. « L’échéance électorale est une bonne tribune ». Et le thème porteur : « 184 élus alsaciens ont signé une motion pour la fermeture de la centrale », ajoute la conseillère générale.

    En attendant ces échéances électives, tous soutiennent la manifestation de samedi à Colmar, et y seront mais à titre strictement personnel : « le MoDem n’a pas donné de mot d’ordre », insiste Odile Uhlrich-Mallet.

    L'Alsace, 2 octobre 2009

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  5. @ Pierre-Marie Chopel :

    Très intéressants, vos docs. J'ignorais que le réseau "Sortir du nucléaire" bloquait le démantèlement du réacteur de Brennelis... Il serait intéressant de connaitre les motifs qui ont permis au Conseil d'État de casser le décret de démantèlement !
    Concernant la fin de vie repoussée de 25 à 80 ans, attendons le verdict de la visite décennale par l'ASN. À Fessenheim, la cuve du réacteur 1 montre déjà des signes de vieillissement incontestable (reconnu par le staff de direction lui-même)... Wait & see

    @ anonyme:

    Avec le démantèlement, les déchets sont le talon d'Achille de la filière. Il serait temps de faire la lumière sur les coûts réels du retraitement et du stockage des déchets (comme de ceux du démantèlement). Lorsque ces couts seront réellement connus et intégrés dans le prix de l'électricité, les décisions pourront être prises avec les meilleures garanties démocratiques. Sur un des documents signalés par Pierre-Marie Chotel, on apprend que la Cours des comptes s'intéresse déjà aux coûts réels de démantèlement concernant Brennelis.

    @ Philippe :
    Ouais mais si ton contrôle technique est OK (je veux dire sincèrement OK), c'est qu'elle tient la route, ta poubelle. Mais un contrôle technique, ça "s'arrange", non ?

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  6. @Pierre

    Peut être as-tu mis le doigt sur un des manques de motivation pour procéder à ce démantèlement? En évaluer le coût!

    Sans faire de la parano excessive, on peut imaginer qu'il y en a ptet qui ne veulent pas savoir (et que ça soit su) de peur qu'on leur demande d'intégrer ce coût au prix de revient du Kiloouateur?

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  7. Tiens tiens, 1cognita referait-elle surface dans la blogosphère démocrate ? (au sens large, démocrate :)
    Dans les diners en ville, tout le monde demande des tes nouvelles ..

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  8. Zut, oublié de te répondre :

    Longtemps, ils ont préféré ne pas savoir (les coûts de démantèlement des réacteurs, les coûts de traitement et de stockage ds déchets). Mais désormais, l'Union européenne va contraindre EDF à la vérité des prix en tant que 'fournisseur' : à partir de l'an prochain, EDF en tant que 'producteur' d'électricité sera contraint de vendre du courants à ses propres concurrents 'distributeurs' d'électricité (c'est une règle européenne qui oblige à la séparation comptable des deux activités). Et évidemment, pour EDF, il n'est pas question de vendre de l'électricité à ses concurrents 'distributeurs' sans leur faire payer le "juste prix" tenant compte des déchets et du démantèlement. C'est là aussi une règle européenne sur la libre concurrence qui va obliger EDF a être plus transparent sur ses coûts réels de production, déchets et démantèlement inclus !
    Ma source est le directeur de Fessenheim que nous avons rencontré lors d'une visite sur le site.

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