Strasbourg accueillait jeudi la 1ère séquence du débat public national sur la nanotechnologies.
Initié par Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno à la suite du Grenelle de l'environnement, ce tour de France a pour objectif d'organiser « un débat large et transparent sur les risques et les conditions de développement des nanotechnologies » -- voir lettre de mission du 29 février.
Jeudi soir au Palais de la Musique et des Congrès, la commission ah-hoc (CNDP) ouvrait le débat devant un public plus que clairsemé (200 personnes environ) et dans une certaine confusion -- une banderole dénonçant une parodie de débat et appelant au boycott avait été déployée. Le président de la CNDP, Jean Bergougoux - l'ancien DG d'EDF - a bien contrôlé ce premier dérapage en tendant le micro aux contestataires : ils se sont exprimés et sont aussitôt repartis.
La longue soirée de "débat" s'ouvrait sur les enjeux économiques et scientifiques des "nanotechnologies" : un marché estimé à 1.800 milliards d'euros d'ici 2015 avec des millions d'emplois à la clé, selon certaines sources. On retient par exemple l'exposé spectaculaire du Dr Khalil Zahouily, fondateur de Photon & Polymers à Lutterbach (67 - Bas-Rhin).
À ce stade du débat, les risques des nanotechnologies n'étaient évoqués qu'en pointillé et de façon vague ou allusive. Dans le public, les nombreux initiés ou spécialistes des nanotechnologies n'auront sans doute pas appris grand-chose de ces 3 premières heures de "débat", tandis que les non-initiés se décourageaient, attendant depuis plus de 3 heures un exposé clair et précis sur les risques environnementaux et sociétaux liés aux nanotechnologies...
La salle se vidait tranquillement et il fallut attendre 22 heures passées pour que s'ouvre le 1er débat "politique" en présence de deux élus : Sandrine Bélier, député européen et un conseiller régional... d'Île-de-France ! Le débat s'engageait sur un ton polémique, les élus reprochant aux organisateurs la mauvaise organisation de la soirée. Le public des non-initiés continuait à prendre son mal en patience : aucun effort de pédagogie ou de vulgarisation -- pas même de la part des élus ! Des allusions permanentes aux débats internes du Grenelle de l'Environnement et aux textes législatifs en préparation, rendaient les échanges particulièrement hermétiques voire incompréhensibles pour les non-spécialistes encore présents à cette heure avancée de la soirée...
Au fil des débats, le public était invité à poser ses questions par écrit et quelques minutes plus tard, ces questions tournaient en boucle sur les écrans géants de l'auditorium Albert Schweitzer. Généralement, les questions techniques ou économiques trouvaient des réponses immédiates. Tandis que les interrogations sur les risques et les questions de gouvernance étaient le plus souvent "enregistrées" et promises à une réponse ultérieure, après consultation des huits ministères concernés (sic).
Le lendemain du débat, j'ai reçu un mail de M. Bergougnoux qui accusait réception de mes deux questions :
Il y avait une question de néophyte :
Quelle est la nature exacte des risques liés à l'usage ou à la simple présence de nano-matériaux dans notre environnement quotidien ?
Il y avait une question plus politique :
N'est-il pas illusoire de prétendre éclairer l'opinion publique en rassemblant sous le terme générique de "nanotechnologies", des procédés ou des matériaux dont les usages et les finalités sont aussi différents ? Les Romains faisaient déjà des "nanotechnologies" sans le savoir...
Si le terme "nanotechnologies" peut sembler profitable au marketing financier et politique -- pôle de compétitivité "nano", fonds d'investissement "nano", le marché futur des "nanos", les millions d'emplois "nano" à la clé, etc. --, ne risque-t-on pas d'installer la confusion dans l'esprit du public en mélangeant sous ce terme des secteurs d'activité aussi hétérogènes que la cosmétique, l'isolation, la radio-fréquence, la résistance des matériaux, les médicaments, [maj] l'armement [/maj], les semi-conducteurs, le traitement des surfaces, etc. ?
Je ne manquerai pas de vous informer ici des réponses reçues.
Mise à jour : Voir aussi les Cahiers d'acteurs sur le site de la CNDP dont certains sont tout à fait remarquables, clairs et... pédagogiques.
Pour vous faire une idée, voici la vidéo élaborée par la Commission nationale du débat public à la suite de son premier "débat" à Strasbourg.
Mircro, nano. Où est la différence, lorsque l'on sait que 100 nanomètre = 0.1 micromètre.
RépondreSupprimerLe problème des domaines scientifiques est que, comme la chose est complexe, on fait avaler tout en n'importe quoi aux investisseurs en leur promettant la Lune, Mars et Jupiter.
Cela passe, comme tu dis, par l'invention de termes liés essentiellement à la science du marketing, pour la communication de masse, mais qui en fin de compte ne veulent strictement rien dire.
En Amérique des milliards de dollars sont investis en recherche et développement pour la miniaturisation des armements!!!! Il ne faudrait pas tarder pour que l'Europe réagisse.....
RépondreSupprimer@ philippe : Nanotech ou pas, on promet tjrs la Lune aux investisseurs :) Là, le hic, c'est quand le politique participe au gonflement de la bulle...
RépondreSupprimer@ sally : Oui, on a bcp entendu parler d'armement aussi mais au delà de l'idée de miniaturisation extrème, je n'ai rien vu de bien nouveau...
Voir aussi deux articles dans le Diplo d'octobre :
Bits, atomes, neurones et gènes font BANG
Le 15 octobre, à l’initiative du ministère de l’environnement, se tiendra à Strasbourg la première réunion d’un Débat public national sur les nanotechnologies. Unifiées par ces dernières, la chimie, la biologie, la physique, l’informatique, la robotique, etc., s’entremêlent pour ouvrir des perspectives d’innovation vertigineuses. Certaines font miroiter des espoirs de traitements miraculeux contre le cancer, quand d’autres ont de quoi faire frémir : bombes miniatures, papillons transformés en drones vivants...
Par Mateo Cueva
Lorsque le chercheur Eric Drexler popularisa le terme de « nanotechnologies », en 1986, il les définit comme l’ensemble des techniques permettant la création et la manipulation d’objets matériels d’une taille comprise entre 1 et 100 nanomètres . Cette définition avait en réalité une portée très large, car presque toutes les substances existant dans le monde sont structurées à cette échelle. Des disciplines aussi diverses que la chimie, la science des matériaux, la physique des états solides, la pharmacie, la biologie chimique et moléculaire, l’ingénierie électronique se voyaient ainsi réunies, aussi bien en tant que concepts que sur le plan opérationnel.
Près d’un quart de siècle plus tard, la manipulation de la matière à l’échelle atomique rend possible la conception de nanostructures dotées de propriétés radicalement nouvelles. Un vaste ensemble de sciences et d’applications — biotechnologies, technologies de l’information, sciences cognitives — sont entrées en interaction. Une prodigieuse « convergence » de disciplines jusqu’alors relativement étanches les unes aux autres s’est produite, mixant bits, atomes, neurones et gènes sous l’acronyme — évocateur — de BANG !
Au programme : dépollution des sols et des eaux souterraines, production d’écrans plats à base de nanotubes de carbone, batteries à faible poids et densité d’énergie élevée, bionanotechnologie (observation du comportement de molécules individuelles à l’intérieur de systèmes biologiques), laboratoires d’analyse médicale miniaturisés sur une puce (lab-on-a-chip). On annonce déjà l’ordinateur portable atteignant le milliard d’opérations par seconde , les peintures photovoltaïques à quelques centimes le mètre carré pouvant être appliquées sur les bâtiments et les routes, les générateurs solaires d’une puissance de 1 terawatt (soit 1 000 gigawatts) et la fabrication en série de n’importe quel produit nanotechnologique au prix de 1 dollar pour 1 kilogramme.
Devançant les industriels, les armées se précipitent à la conquête de ce « monde d’en bas » où, comme le prédisait le (...)
Retrouvez la version intégrale de cet article dans Le Monde diplomatique actuellement en kiosques.
Mateo Cueva.
Armement, Industrie, Informatique, Santé, Science, Technologie, Médecine
Autre article de mars 2006
RépondreSupprimerUne industrie à l’échelle de l’atome
Nanotechnologies, le vertige de l’infiniment petit
Sans fanfare, les nanotechnologies – un ensemble de techniques qui travaillent la matière atome par atome – sont entrées dans notre quotidien. Elles équipent déjà lecteurs de DVD, automobiles, etc. Nouvelle bulle technologique ? Si des milliards de dollars y ont été investis, on ne sait pas encore grand-chose de leur éventuel impact sanitaire ni, plus généralement, des enjeux éthiques qui entourent ces recherches.
Par Dorothée Benoit-Browaeys
Le mot « nano » est un sésame puissant et nébuleux. Quasi magique. Pourtant il est difficile de savoir exactement ce qu’il délimite. Désigne-t-il toute recherche et manipulation à l’échelle du nanomètre (un milliardième de mètre) ? Une vaste opération de marketing pour rebaptiser, sous la bannière attrayante des « frontières de l’infiniment petit », la physico-chimie des matériaux ? Ou encore un projet fédérateur alliant technosciences de la matière, de la vie, de l’information ? Toujours est-il que les nanomatériaux sont là, parmi nous, déjà commercialisés, sous forme de nanotubes de carbone, de nanolasers dans les lecteurs de DVD, de nanopuces pour le diagnostic biologique... On envisage des « usines moléculaires » avec convoyeurs, bras articulés, tapis roulants d’une taille cent mille fois plus petite que le diamètre d’un cheveu. Observer la matière et la travailler à l’échelle atomique constitue un horizon fascinant d’innovations prometteuses. Le rêve est bien de « refaire ce que la vie a fait, mais à notre façon », selon les termes du Prix Nobel de chimie 1987 Jean-Marie Lehn. Certains affirment même que la technique doit relayer l’évolution darwinienne pour prendre en main le destin de l’humanité... Mais l’enthousiasme se teinte d’angoisse quand certains visionnaires scientifiques, tel Eric Drexler, en viennent à craindre le pire : la perte de maîtrise des humains sur des nanorobots capables de se reproduire et de dévorer l’espace.
En fait, l’idée de manipuler les atomes, éléments constitutifs de la matière, est devenue réalité. Le microscope à effet tunnel (1), mis au point en 1982, a permis à la fois ce « zoom dans l’univers de l’atome » et l’« ingénierie lilliputienne », qui déplace les atomes à volonté. Les perspectives de « manufacture moléculaire » brossées par Eric Drexler dans Engines of creation (2) se sont ouvertes. On commence à fabriquer brouettes, aspirateurs, voitures moléculaires, transistors à un seul atome, ordinateurs quantiques (3), etc.
Autour de ce « cœur de métier » gravitent toutes sortes d’autres technologies, qui procèdent soit de la miniaturisation, soit, en partant cette fois « d’en bas », d’une réorganisation moléculaire à l’origine de propriétés physico-chimiques inédites. Alors qu’à l’échelle macroscopique l’effet collectif de millions d’atomes prédomine, en isolant des nano-objets, faits de seulement quelques atomes, des comportements particuliers peuvent se manifester : augmentation des surfaces d’échange (réactivité accrue), résistance mécanique, fonctions optiques, électromagnétiques ou thermiques... Plus que la nature chimique du matériau, c’est l’organisation spatiale des atomes qui devient déterminante. (...)
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Les nanotechnologies vont nous inventer les macros bulles...Ca va péter façon nano particules...
RépondreSupprimer"Les nanotechnologies" est la nouvelle invention des financiers pour attirer les gogos et spéculer sur le dos des idiots, béats devant les potentialités de la science. J'ai bien dit potentialités...
Seuls ceux qui connaissent un tant soit peu ce milieu seront parier sur les bons chevaux. Les autres gogos...comme on dit, on ne gagne pas à chaque coups....
pour info,
RépondreSupprimerUne base de données de produits vendus dans l’Union européenne contenant des nanomatériaux ou utilisant des nanotechnologies a été mise en ligne lundi 2 novembre par le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc) et l’Association représentant les consommateurs européens dans la normalisation (Anec).
c'est là :
http://www.beuc.eu/Content/Default.asp?PageID=836
lien intitulé «ANEC-BEUC inventory of products claiming to contain nanoparticles available on the EU market»
Magalie Thomas.