mercredi 28 juillet 2010

« Pourquoi l'affaire Bettencourt est un révélateur national » par Edwy PLENEL







Excellent papier d'Edwy PLENEL sur Mediapart.

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L'affaire Bettencourt, devenue l'affaire Woerth et cachant une affaire Sarkozy, est un révélateur de l'état de la France: de ses inégalités et de ses injustices sociales, de ses déséquilibres institutionnels et de ses régressions démocratiques, des abus d'un pouvoir présidentiel sans contrôle.

Illustrant l'utilité démocratique d'une presse libre, elle souligne tout ce qui n'est plus supportable et tout ce qui devrait changer, demain.

C'est pourquoi elle a, dès nos premières informations du 16 juin (voir l'article inaugural de Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme), suscité cette passion publique qui est au ressort des vitalités républicaines: une haute curiosité, tissée de vertu politique, d'exigence sociale et d'espérance démocratique.

(...) Six semaines après le début du feuilleton et alors qu'il connaît deux moments symboliques, avec les auditions policières de Liliane Bettencourt puis d'Eric Woerth, cet effet de révélation peut être résumé en sept vérités, développées ci-après :

1. L'utilité d'une presse libre,
2. Le scandale de l'inégalité sociale,
3. La corruption de la République par l'argent,
4. Le détournement du financement des partis,
5. L'injustice de la politique fiscale,
6. La menace d'une justice d'exception,
7. La responsabilité du président de la République. (...) »


Pour mémoire, Edwy PLENEL est intervenu à l'Université populaire du Mouvement démocrate sur le thème de la Liberté numérique, le 14 mars 2009.
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4 commentaires:

  1. Qu'est-ce qu'une presse libre ?

    Telle est la question sur laquelle j'aimerais beaucoup que l'on se penche, au-delà des réponses convenues sur les évidentes nécessités d'indépendance à l'égard des pouvoirs économiques et politiques.

    Dans l'état actuel des choses, je ne vois pas bien quel usage pourraient faire de la liberté une majorité de journalistes qui semblent avoir perdu de vue les exigences de leur métier et, au passage, de leur charte.

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  2. @ Chevalier Blanc :

    La nécessité d'indépendance à l'égard des pouvoirs économiques et politiques ne me semble ni évidente, ni convenue. Elle doit être traduite dans les textes pour devenir la règle.

    Quant à la probité des journalistes, j'ai tendance à dire que la proportion de gens honnêtes et scrupuleux est la même dans tous les métiers.

    RAS.

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  3. Après la Légion d'honneur remise par Eric Woerth à Patrice de Maistre (employeur de sa femme et gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt), Mediapart est tombé sur une autre décoration accordée par le ministre qui exhale le conflit d'intérêts. Le 13 juillet 2008, en effet, un expert-comptable inconnu du grand public, Bernard Godet, a été nommé officier de la Légion d'honneur sur le contingent d'Eric Woerth (alors ministre du budget). Le décret paru au Journal officiel déclinait sobrement ses titres: «35 ans d'activités professionnelles et de services militaires»... Deux mois plus tôt, Bernard Godet avait surtout visé les comptes de campagne du ministre, candidat victorieux aux municipales de Chantilly dans l'Oise, avant que ces derniers ne soient remis à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

    Plus gênant encore: Bernard Godet est l'homme qui a certifié les comptes 2008 du micro-parti du ministre – déjà dévoilés par Mediapart. Fin juin, il était apparu que cette formation politique «maison», créée dans l'Oise en toute discrétion et baptisée «association de soutien à l'action d'Eric Woerth», avait bénéficié de la générosité de Liliane Bettencourt (qui lui aurait signé un chèque de 7.500 euros en 2010, selon l'entourage du gestionnaire de fortune de la milliardaire). Légale sur le papier, cette structure contribue comme tous les autres «partis de poche» à «détourner» l'esprit de la loi sur le financement de la vie politique – pour reprendre le mot du président de la CNCCFP, autorité administrative indépendante...

    Interrogé sur les raisons pour lesquelles il a souhaité récompenser Bernard Godet, Eric Woerth n'a pas répondu à nos questions. L'heureux bénéficiaire, sollicité par l'intermédiaire de son cabinet parisien, n'a pas non plus retourné nos appels. Les interrogations soulevées par l'attribution de cette Légion d'honneur sont pourtant multiples.

    Premièrement, Bernard Godet a-t-il pu, en 2009, quelques mois après avoir reçu la Légion d'honneur, se plonger dans les comptes 2008 du parti de poche du ministre et les certifier (c'est-à-dire évaluer leur sincérité et leur régularité) en toute indépendance? Avait-il l'absolue liberté de dénoncer d'éventuelles tricheries?

    Le code de déontologie des commissaires aux comptes, dans son article consacré aux conflits d'intérêts, précise que «le commissaire aux comptes évite de se placer dans une situation qui compromettrait son indépendance à l'égard de la personne ou de l'entité dont il est appelé à certifier les comptes, ou qui pourrait être perçue comme de nature à compromettre l'exercice impartial de cette mission». En clair, la seule apparence d'un mélange des genres pose déjà problème. (...)

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  4. 16.450 euros de frais de réception

    Au passage, on peut se demander si Bernard Godet a aussi certifié les comptes 2009 de «l'association de soutien» à Eric Woerth. Ces derniers n'ayant pas encore été rendus publics, nous avons posé la question au trésorier du micro-parti, Patrick Wallut. «Je ne pourrais vous dire», s'est-il contenté de nous répondre. Quant à la Légion d'honneur, il a déclaré l'ignorer jusque-là.

    L'enjeu de la certification des comptes est d'autant plus net que l'activité du parti de poche d'Eric Woerth paraît floue. En 2008, les recettes avaient atteint 86.000 euros environ, soit 19.500 euros de dons de personnes physiques et 66.500 euros de subventions allouées par le trésorier de l'UMP (Eric Woerth en personne....). Du côté des dépenses, on notait bien 16.450 euros de «frais de réception» ou 10.190 euros de «locations immobilières» (pour une structure minimaliste sans salariés ni adhérents!), mais on saisissait mal la destination de tout l'argent amassé. Malgré nos multiples relances, le ministre n'a jamais livré d'explication sur les activités de cette «association»... Bizarrement, pas un centime n'a été lâché dans la campagne municipale de 2008 – le micro-parti n'a guère accordé qu'un prêt de 1.300 euros à son champion, contraint d'aller emprunter 6.500 euros à la banque... «Quoi qu'il en soit, la Commission nationale a jugé que la signature de ce M. Godet était valable et elle a validé les comptes!», tient à souligner Patrick Wallut, le trésorier.

    Voir ici les comptes

    Une autre question se pose: cette mission remplie par Bernard Godet en tant que commissaire aux comptes était-elle compatible, sur un plan éthique, avec d'autres prestations vendues à Eric Woerth, cette fois en tant qu'expert-comptable?

    Bernard Godet a en effet été payé 1.500 euros en 2008 pour «présenter» le compte de campagne d'Eric Woerth aux municipales de Chantilly, ainsi que 500 euros pour celui des législatives de 2007. Son rôle, juridiquement, se limitait alors à la compilation des factures et des justificatifs de recettes, sans véritable dimension d'audit ni de contrôle. Sur une campagne électorale, un expert-comptable n'est recruté, en fait, que pour mettre en forme le bilan financier, avant transmission à la CNCCFP.

    Pourquoi Eric Woerth a-t-il confié, au fil des ans, toutes ces missions de nature différente à un seul homme? Pourquoi avoir fidélisé Bernard Godet? L'avoir gratifié de la Légion d'honneur entre deux prestations?

    Interrogé par Mediapart, le Haut conseil du commissariat aux comptes, organe de contrôle de la profession (institué auprès du garde des Sceaux), n'a pu livrer aucun commentaire sur la situation de Bernard Godet. En l'absence de saisine en bonne et due forme, aucun de ses membres n'est habilité à juger du respect – ou non – du code de déontologie...

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