Pourtant, la réforme des collectivités territoriales adoptée le 17 novembre prévoit assez clairement les modalités de fusion entre départements et région. En deux temps : d'abord l'accord des collectivités concernées, puis un référendum recueillant la majorité (25% des inscrits) dans chaque département :
Chapitre IV (article 29 de la loi)
Fusion d’une région et des départements qui la composent
« Art. L. 4124-1. – I. – Une région et les départements qui la composent peuvent, par délibérations concordantes de leurs assemblées délibérantes, demander à fusionner en une unique collectivité territoriale exerçant leurs compétences respectives. (...)
« II. – Le Gouvernement ne peut donner suite à la demande que si ce projet de fusion recueille, dans chacun des départements concernés, l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits.
« Cette consultation des électeurs est organisée selon les modalités définies à l’article L.O. 1112-3, au second alinéa de l’article L.O. 1112-4, aux articles L.O. 1112-5 et L.O. 1112-6, au second alinéa de l’article L.O. 1112-7 et aux articles L.O. 1112-8 à L.O. 1112-14. Un arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales fixe la date du scrutin, qui ne peut intervenir moins de deux mois après la transmission de la dernière délibération prévue au I du présent article.
« III. – La fusion de la région et des départements qui la composent en une unique collectivité territoriale est décidée par la loi, qui détermine son organisation et les conditions de son administration. »

En clair, ajouter une couche supplémentaire à l'empilement territorial existant pour permettre aux 3 collectivités de se réunir les même jours et aux même dates, en attendant les conseillers territoriaux qui seront élus en 2014.
« On pourra siéger ensemble, mais la libre administration de nos collectivités restera entière », se félicitait même Charles Buttner, président du CG68, opposé à la fusion.
Cerise sur le gâteau de l'inter-collectivité annoncée, la gouvernance sera assurée de manière collégiale par les trois présidents. Et la présidence déléguée sera exercée à tour de rôle tous les quatre mois par l'un d'entre eux. Oh ! la jolie usine à gaz en perspective. En septembre 2008 déjà, les conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin s'étaient réunis ensemble à Sélestat. Bravo pour l'exploit mais quel est le résultat concret de ces réunions communes si la libre administration de chaque collectivité reste entière ?
L'accord historique stipule également qu'un groupe projet (re-sic) sera nommé dès le lendemain des élections cantonales, pour travailler sur les possibilités de transferts de nouvelles compétences de l'État vers le Congrès d'Alsace... Mais qui peut croire que l'État transfèrera la moindre compétence vers une "inter-collectivité" aussi brouillonne ? Comprenne qui pourra.
Enfin, on apprenait samedi dans l'émission La Voie est Libre qu'un référendum allait être organisé en Alsace dès cet automne pour valider, je suppose, les choix de l'énigmatique "groupe projet" dont on n'a pas encore très bien compris quelle était la mission...
Il y aura donc deux référendum en Alsace. Un premier dès cet automne et un second en 2014 pour décider de la fusion réelle... À moins que le taux de participation aux élections cantonales de mars prochain ne décourage les protagonistes entre temps... Wait & see !
Pourquoi tant de fébrilité et de précipitation sur un sujet aussi sérieux ? Un ministre de plein exercice (et à plein temps) pourrait sans doute mieux garder le cap d'une réforme territoriale nécessaire (2014) sans être à la fois juge et partie dans ce projet, comme ministre des Collectivité territoriales et comme Président (à mi-temps) du Conseil régional d'Alsace... déjà en campagne pour les élections cantonales [FB], d'ailleurs. On peut même se demander si cette vaine agitation autour d'une expérimentation aussi floue, n'aurait pas simplement quelques visées électoralistes...
Sur le fond, il reste aussi l'épineuse question du mode de scrutin sur laquelle je reviendrai. Pourquoi le groupe projet ne mettrait-il pas cette question sur la table ? En s'inpirant du mode de scrutin mixte des Länders allemands, par exemple ?
Oui à la fusion, non à la confusion !
La Voie est Libre du 29 janvier 2011
(cliquer sur Start pour démarrer)
avec Philippe RICHERT, Charles BUTTNER et Guy-Dominique KENEL