mardi 22 septembre 2009

« Le Soleil n'envoie pas de facture »

En marge d'une visite à la Centrale nucléaire de Fessenheim -- la plus ancienne centrale nucléaire encore en exploitation en France, j'y reviendrai dans un prochain billet --, une dizaine de militants du Mouvement démocrate ont rencontré lundi soir Stefan Koch pour un débat sur le devenir de Fessenheim -- prolongation ? fermeture ? démantèlement ? -- et sur l'énergie solaire.

Stefan travaille actuellement à la traduction française d'un best-seller international "Le Soleil n'envoie pas de facture". Un long débat s'est engagé sur un projet pharaonique de centrale solaire connue sous le nom Désertec, projet controversé prévoyant l'installation de 50 km2 de cellules photovoltaïques en plein Sahara, afin de couvrir la quasi-totalité des besoins en électricité des pays d'Europe... Voir futura-sciences.com, developpement durable.com ou greenunivers.com pour les détails.

Cette carte schématise les surfaces nécessaires pour
couvrir les besoins en électricité -- les 3 carrés rouges :
- du Monde (18.000 TWh/jour, 300 x 300 km2),
- de l'Union européenne (3.200 TWh/jour, 125 x 125 km2)
- et de l'Allemagne (600 TWh/jour, 55 x 55 km2).

En juillet, j'avais déjà signalé ici un autre projet apparenté au même concept. Voir aussi le projet TREC - Trans-Mediterranean Renewable Energy Cooperation, Clean power from deserts.

Si l'énergie solaire -- sous toutes ses formes -- est un élément clé de la diversification énergétique, je reste sceptique face au gigantisme d'un tel projet, déployé sur le continent africain. Une nouvelle forme d'impérialisme technologique et économique ? Les questions ne manquent pas... Assurément, il faudra sérieusement reconfiguer ce projet pour avoir une chance de le rendre politiquement acceptable.

Si une telle puissance énergétique pouvait être produite dans la région sub-saharienne, pourquoi alors ne pas l'utiliser sur place, afin de régler les problèmes endémiques de l'Afrique, plutôt que de gaspiller la moitié de l'électricité produite dans son transport jusqu'en Europe ? Une telle centrale solaire permettrait par exemple de régler définitivement le problème de l'eau en Afrique, en désalant l'eau de mer.

Enfin, si le soleil n'envoie pas de facture comme disait Stefan, on peut rappeler aussi que la biomasse, l'hydraulique, l'éolien même, sont en réalité des formes d'énergie directement dérivées du soleil.
La terre reçoit chaque jour du soleil 15.000 fois plus d'énergie que n'en consomment les hommes. Une grande partie de cette énergie est transformée par l'activation du cycle de l'eau et par la photosynthèse ("cycle du carbone").

Sachons récupérer cette énergie sous toutes ces formes. Loin du gigantisme, la diversification énergétique s'impose. Sortir du "tout-nucléaire", vite ! Fessenheim pourrait devenir un site de démantèlement exemplaire à l'échelle de l'Union européenne.

14 commentaires:

  1. Bonjour Pierre,

    Merci pour tes informations sur ce projet européen qui divisent les européens eux-même !

    Des milliards d'euros investis sur une technologie en dehors de la zone européenne peut-être intéressante si les pays qui l'accueillent sur leur sols ( et les Etats limitrophes ) peuvent en bénéficier et aussi participer !
    Néanmoins, non seulement cela concernera que la production électrique mais en plus il y aura des pertes lors du transport ( je vous laisse imaginer le cout et les infrastructures qu'il faut rien que pour acheminer cette électricité )

    De plus cette installation ne va pas résoudre le problème urgent de la dépendance au gaz des anciens pays de l'est à la Russie qui a deux reprises (pour les faits les plus récents) a coupé les robinets ...... en plein hiver.
    Il avait été souligné à plusieurs reprises par les députés européens la nécessité de multiplier les acheminements et de construire de nouveaux oléoducs. Qu'en est-il aujourd'hui ?

    Actuellement, je pense que l'Europe a tout intérêt a accélérer sur son sol la diversité en matière d'énergie et notamment l'installation de beaucoup plus de panneaux solaires pour les particuliers et les professionnels. Si toutes les maisons individuelles étaient, par exemple, munies de panneaux photovoltaïques, je ne pense pas que nous aurions besoin d'aller chercher de l'énergie sur le sol africain ....

    Pour info, l'Australie a un projet également ambitieux .... sur son territoire.


    @ bientôt,
    Audrey KINNE

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  2. Laissons faire les projets technologiques, il y en a si peu. Ne crachons pas sur la diversité énergétique. Laissons les ingénieurs travailler et dessiner le monde énergétique de demain.

    Pour le reste, les caravanes passent, celles du désert aussi. Ces pays regorgent de pétrole jaune. Bien sûr qu'ils en profiteront et qu'ils deviendront eux même, dans un second temps, leur propre patron et producteurs, une fois la technologie établie.

    Laissons cela se dérouler et inquiétons nous plutôt d'une nouvelle catastrophique que je viens d'apprendre.

    "Ça fait plus de dix jours que le Gulf Stream ne coule plus".

    Il est impossible de mesurer la moindre vitesse de courant. Cela n'avait jamais été observé depuis le début des mesures.

    Et maintenant que va-t-on faire? ...comme dirait Bécaud

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  3. @ Philippe : pourquoi faudrait-il "laisser faire" les projets technologiques quand ils déraillent ? Si la même technologie peut être mise en œuvre sans poser de problème éthique, pourquoi s'en priver ? Les projets technologiques intéressants et les plus efficaces ne sont pas toujours les plus mégalos... Contre-exemple : le tout-nucléaire en France, merveilleux projet technologique d'une époque où on disait, "laissons faire les ingénieurs du CEA" !

    ;-)

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  4. Billet révisé avec quelques infos supplémentaires.
    Frédéric n'avait par tort : les 50 km2 évoqués Stephan sont largement sous-estimés. C'est 300 fois plus ! (125 km x 125 km)

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  5. Je souhaite faire quelques commentaires et corrections sur le contenu de qui est écrit/
    1) Desertec ne prévoit pas de mettre du photovoltaïque dans les déserts mais du solaire par concentration , ce qui n'est pas du tout la même chose.
    2) Desertec ne s'oppose à aucun autre projet. Tout au contraire , chaque projet est le bienvenu parce qu'il y a urgence ! Just do it !
    3) Faire sur notre territoire , en oubliant que l'Afrique est toujours la grande oubliée !! 90% de la population africaine n'a pas accès à l'électricité . Ce besoin va augmenter d'au moins 600% d'ici 30 ans . Nous devons raisonner sur ces éléments et arrêter de raisonner à résoudre notre petit problème ,le réchauffement climatique ne s'arrête pas à nos frontières .
    4) Desertec développe un projet viable techniquement et veut faire ! Nous devons soutenir ce projet ... comme tous les autres.

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  6. Pour l'Europe, tirer 15% de son électricité du soleil saharien serait un bon moyen de remplir ses engagements de lutte contre le réchauffement climatique. Mais que va y gagner l'Afrique? Entretien avec Houda Ben Jannet Allal, directrice du développement stratégique de l'Observatoire méditerranéen de l'énergie, qui regroupe les principales compagnies énergétiques de la région.

    Le projet Desertec répond-il aux besoins énergétiques de l'Afrique?

    Si ce n'est que pour exporter l'électricité vers l'Europe, cela ne répond évidemment pas aux besoins énergétiques de l'Afrique. Même s'il y aura des retombées économiques dans la création des emplois pour la construction des lignes électriques, cela ne résout en rien le problème énergétique des pays du Sud, dont les besoins vont augmenter de 70%. À l'exception de l'Algérie, de l'Egypte et de la Libye, qui disposent de ressources fossiles, les pays du sud de la Méditerranée sont en situation de dépendance énergétique.

    WDesertec affirme que les infrastructures profiteront d'abord aux pays africains...

    Les pays de Sud n'ont pas les moyens de s'offrir cette électricité, dont le coût est prohibitif. Étant donnée l'envergure du projet et le coût d'investissement, les responsables de Desertec veulent forcément aller là où il est le plus rentable: au Maroc, et en Tunisie par exemple. Donc c'est là où on va implanter les interconnections électriques. Mais l'objectif c'est quand même de faire en sorte que le prix de l'électricité soit bas.

    Comment faire pour tirer les lignes électriques vers le Sud?

    Il faut qu'il y ait un transfert de technologie et de savoir-faire. Desertec doit contribuer à l'intégration régionale entre les pays du Nord et du Sud. Pourquoi ne pas envisager des projets pilotes dans le Nord, qui est mieux développé, puis descendre dans le Sud pour promouvoir la maîtrise de l'ingénierie par les Africains eux-mêmes? Je serais favorable à une coordination avec le plan solaire méditerranéen, qui veut vraiment privilégier l'efficacité énergétique dans les pays du Sud en mixant toutes les filières renouvelables, photovoltaique et éolien compris.

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  7. @ Anonyme :

    1° Dommage que vous soyez anonyme. Je réponds rarement aux gens masqués.





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  8. La commission des Affaires Étrangères du Parlement européen a organisé le mardi 23 février une audition publique sur "l'Union pour la Méditerranée : évaluation et perspective". En sa qualité de rapporteur pour avis de la commission du Commerce International sur ce thème, Marielle de Sarnez a interpelé le représentant de la BEI et de la Commission européenne.
    Lien(s) : Retrouvez ici la vidéo de son intervention

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  9. Dans le WSJ du 11 août 2010 :

    (...)Solar Power From the Sahara Is Debated - Along with dictatorships and war zones, the route crosses "resource nationalist" regimes such as Libya that could discourage investment, says Samuel Ciszuk, a Middle East and North Africa energy analyst for IHS Global Insight in London. Hermann Scheer, a German parliamentarian and president of Eurosolar, a nonprofit group that promotes renewable power, has a litany of reasons to doubt Desertec, beginning with its technology: Solar thermal plants use mirrors to concentrate sunlight and create steam to drive turbines that generate electricity. Most require water for condensation and cooling—a scarce resource in the Sahara (...) In May, France—concerned that German corporate interests might dominate the initiative—announced its own project, called Transgreen, to build a network of high-voltage, direct-current cables that would be necessary to carry electricity generated in Africa to Europe. (...)

    Lire la suite

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  10. Faible association des pays du Nord de l'Afrique, multitude d'obstacles techniques, surcoût économique… Destiné à valoriser et exporter l'énergie solaire du Sahara, le projet Desertec n'est pas des plus pertinents selon Maïté Jauréguy-Naudin, coordinatrice du programme Energie à l'Institut français des relations internationales (Ifri).

    L'Algérie aurait récemment annoncé son intention de quitter le projet Desertec. Cette décision est-elle de nature à le remettre en cause ?

    Même si elle est à confirmer, cette information montre que les pays du Maghreb sont mal intégrés dans les discussions en cours sur le projet Desertec. A l'origine, ils n'ont même pas du tout ou peu été consultés. De ce point de vue, le projet Transgreen me paraît plus équilibré. Il fait partie du Plan solaire méditerranéen, et s'inscrit donc dans un projet politique.

    Pourquoi le projet Desertec ne vous semble-t-il pas ''équilibré'' ?

    La conception du projet me gêne. D'abord, parce qu'un projet de développement des énergies ne peut s'inscrire uniquement ou presque dans une perspective d'exportation. L'électricité produite doit bénéficier en grande partie aux pays qui la produisent et qui en ont besoin. D'un autre côté il est plus rentable de vendre de l'électricité en Europe qu'en Afrique du Nord. La difficulté consiste à trouver un équilibre qui permette d'espérer la rentabilité d'un tel projet à long terme sans négliger les besoins des populations d'Afrique du Nord.
    75% à 80% de l'électricité produite par Desertec sont destinés à l'Union européenne à l'horizon 2050. C'est 25% dans le cadre du projet Transgreen.

    Ensuite parce les besoins de financement de Desertec sont estimés à 400 milliards d'euros. Cela décourage d'emblée les petites entreprises et les pays les moins avancés à participer de manière significative à ce projet. D'autant que du côté de l'Union européenne, on ne sait toujours pas comment financer ce projet.

    Lire la suite sur Actu-environnement

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  11. "(...) Despite the fact that the project is technically feasible and it's possible to get financing however, it will require stable conditions, such as guaranteed prices for the electricity buyers as well as political risk guarantees. The major concerns about the project are on the one hand political instability and on the other hand price competitiveness (...)

    Paul van Son, chief executive of the DII has said that after the project received strong support at the beginning he is surprised about the continuously declining support. Furthermore there is a strong lobby within each EU member state that benefits from feed-in tariffs, and which will be reluctant to see those funds diverted to North Africa (...)"

    http://www.ekemeuroenergy.org/en/index.php?option=com_content&view=article&id=108:political-hurdles-could-derail-the-desertec-initiative


    Il est évident que les états européens font préfèrer subventionner leurs énergies renouvelables nationales que de subventionner les énergies renouvelables des pays d'Afrique du nord. Une partie des français rale déjà quand on subventionne les parcs éoliens ou solaires installés en France, alors cela va hurler si on se met à subventionner les parcs solaires en Lybie, en Algérie ou en Tunisie. Sans parler de l'instabilité politique dans ces pays.

    Il semble bien plus sage de miser sur le couple hydro-éolien en Europe, et de mettre en place une véritable coopération technique pour aider les états africains qui le souhaitent à développer les énergies renouvelables pour satisfaire aux besoins de leurs propres populations, et non pour l'exporter vers l'Europe.

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  12. By Nikolaos Sofianos,

    M.A. in Development Studies, University of Glascow, European Programmes Coordinator, Institute of Energy for South East Europe (IENE)

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  13. « (...) Je suis en train de me demander si le projet DESERTEC n'a pas été mis avant l'année dernière par l'Allemagne dans l'unique but de montrer aux norvégiens (ainsi qu'aux suisses) qu'ils ont une autre alternative qu'un partenariat avec eux, pour les mettre un peu sous pression dans la négociation, pour ne pas être en position de dire "nous avons absolument besoin de vous". DESERTEC, un grand bluff ? Peut-être. (...) »

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