Si la réponse au référendum doit tenir en trois lettres,
oui ou
non, mieux vaudrait que la question posée soit claire et précise.
Or, les trois collectivités territoriales alsaciennes viennent d'y introduire beaucoup de confusion en adoptant vendredi, à quelques minutes d'intervalle,
deux résolutions contradictoires indiquant chacune une question différente pour ce référendum.
Dans la
résolution consacrée à l'organisation du référendum, chacune des 3 collectivités demande à l'État de soumettre à la consultation des électeurs du Bas-Rhin et du Haut-Rhin la question suivante :
— « Approuvez-vous le projet de création en Alsace, d'une Collectivité territoriale d'Alsace, par la fusion du Conseil régional d'Alsace, du Conseil général du Bas-Rhin et du Conseil général du Haut-Rhin ? »
En répondant
oui ou
non à cette question, il s'agit d'approuver la fusion dans son principe seulement, comme le prévoit la
loi du 16 décembre 2010 dans son article 29, créant l'article L4124-1 du Code des collectivités territoriales.
Mais
la deuxième résolution adoptée par les trois assemblées, confirmant celle adoptée par le Congrès d'Alsace le 24 novembre 2012, énonce une
question très différente puisqu'avant le point d'interrogation est inséré un complément qui en change profondément le sens :
— « Approuvez-vous le projet de création en Alsace, d'une Collectivité
territoriale d'Alsace, par la fusion du Conseil régional d'Alsace, du
Conseil général du Bas-Rhin et du Conseil général du Haut-Rhin répondant aux principes d'organisation énoncés ci-joint ? »
Il ne s'agit plus là d'approuver la fusion dans son principe mais d'approuver précisément les
modalités d'organisation énoncées à savoir :
- deux présidents : un pour l'assemblée "délibérante", l'autre pour le "conseil" exécutif ;
- deux sièges : l'assemblée à Strasbourg, le conseil exécutif à Colmar ;
- un transfert de compétences spécifiques pour l'Alsace en matière d'éducation notamment ;
- des capacités réglementaires pour adapter l'action publique aux spécificités de l'Alsace ;
- des conférences départementales chargées de la concertation, de l'évaluation et des propositions en direction du conseil exécutif ;
- des conseils de "territoires de vie" avec fonction exécutive puisqu'ils participent à la mise en œuvre des politiques régionales ;
- une réduction du nombre d'élus limitée de 10% à 20% ;
- deux modes de scrutins différents pour élire le conseil unique d'Alsace, l'un uninominal à l'échelon cantonal, l'autre proportionnel de liste à sections départementales ;
- part de proportionnelle inchangée par rapport à la situation actuelle du Congrès soit 38,5% élus à la proportionnelle et 61,5% élus au scrutin majoritaire à deux tours.
Ce projet, dont la méthode d'élaboration a été contestée, résulte d'un "groupe projet" dont les réunions et auditions n'ont pas été publiques. Ce groupe ne dispose d'aucune compétence légale pour légiférer ni même proposer, il ne s'est réuni que six fois, quelques heures en matinée, en séance non publique, y compris pour son installation et pour la préparation du congrès de novembre dernier.
À 70 jours du référendum prévu le 7 avril, la situation est donc très confuse.
À quelle question précise devront répondre les Alsaciens : leur accord de principe sur la fusion ou la validation du projet qu'on leur présente ? Quelle est la légitimité du "groupe projet" (ou des trois présidents) à soumettre leur proposition d'organisation à validation par référendum, ce qui n'est aucunement prévu par la
loi du 16 décembre 2010 dans l'article L4124-1 du Code des collectivités territoriales ?
À cette confusion s'ajoute un
écueil juridique sérieux puisque la future loi de décentralisation ne sera pas adoptée avant le printemps c'est à dire pas connue des Alsaciens avant la campagne du référendum. Or c'est cette loi, dite
acte III de la décentralisation, qui clarifiera les compétences respectives entre les différents échelons territoriaux. Comment les Alsaciens vont-ils pouvoir se prononcer sur la fusion en toute connaissance de cause, sans connaître le périmètre précis des compétences fusionnées ou transférées par la future loi de décentralisation ?
Ne serait-il pas plus sage, dans cette situation, de
reporter ce référendum de quelques semaines pour ne pas risquer d'entacher son résultat d'incohérences juridiques ou de calendrier ?
Le flou artistique sur la question posée et cette marche forcée en dépit du bon sens ne risquent-ils pas de susciter l'agacement des électeurs alsaciens ? La démocratie locale mériterait d'être conduite avec un peu plus de méthode et de cohérence.
Il appartient aux
trois exécutifs alsaciens et aux
services de l'État de clarifier ces questions dans les meilleurs délais, pour
remettre le projet de Conseil unique d'Alsace sur ses rails, si c'est encore possible ! Depuis deux ans, les avertissements n'auront pas manqué sur ce blog...